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COVID-19: "Nous vivons une bizarre atmosphère de fin de bataille" (Récit de crise du Dr Bertrand Legrand)

PARIS 29/09 - La crise du coronavirus a inspiré de nombreux médecins à dévoiler le fond de leur pensée dans des récits personnels. Et le dernier récit de crise sélectionné par Medscape dans cette série de trois est celui du Dr Bertrand Legrand, qui a publié, aux Editions de l'archipel, son "Journal d'un médecin au temps du coronavirus".

Le dernier ouvrage de cette série est le journal de bord d'un médecin de l'unique cabinet médical – où il exerce avec sa femme – pour les 8 000 habitants de la ZUP (zone à "urbaniser en priorité") de la Bourgogne, quartier concentrant difficultés sociales et humaines à Tourcoing.

Le Dr Bertrand Legrand est lui aussi un médecin médiatique, et les prises de paroles du secrétaire général de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) des Hauts de France sont souvent polémiques.

Au tout début de l'épidémie de Covid-19, en février, il avait pesté contre le gouvernement français, qui aurait envoyé les stocks stratégiques de masques FFP2 à la Chine. Or, à ce moment-ci, nous savons maintenant qu'il n'y avait plus de stocks stratégiques FFP2 en France.

Quoi qu'il en soit, le Dr Bertrand Legrand a publié son journal de bord, aux Editions de l'archipel, Journal d'un médecin au temps du coronavirus .

Si Bertrand Legrand évoque rapidement les traitements utilisés (il a, par exemple, utilisé de l'azithromycine recommandé par le Dr Jean-Jacques Erbstein), ou encore la politique sanitaire du gouvernement, il concentre son récit sur sa pratique quotidienne de médecin généraliste de quartier, et sur la relation médecin-patient, ainsi que sur les adaptations indispensables du colloque singulier.

Comme le Dr Marty, il déplore le fait de devoir se débrouiller seul et d'être abandonné par l'État. Surtout, il met en avant le manque de prévention des autorités publiques qui dès le début de la crise n'a pas pris les mesures adéquates pour contrôler les passagers venant de Chine et d'Asie du Sud-Est.

Mais relève aussi que ses patients comme ses confrères et consœurs ne prennent pas les mesures de protection adéquates pour se protéger : respecter la distanciation sociale, se laver les mains, s'isoler en cas de suspicion.

Bouleversement de la pratique quotidienne

Il évoque aussi les changements qu'opère l'épidémie de Covid dans la pratique quotidienne d'un médecin généraliste, avec l'arrivée de la téléconsultation (par téléphone de préférence), le raccourcissement des consultations, les examens dans le jardin...

« Pendant l'examen physique, on ne le fait pas asseoir devant nous. On ne fait pas d'entretien rapproché. Il se tient à l'autre bout de la pièce, à deux ou trois mètres, en décalé pour que nos projections ne se trouvent pas dans l'axe du visage de l'autre. Ainsi nous conservons la confiance des patients ».

Il peste aussi contre le maintien du premier tour des élections municipales, une décision criminelle selon lui.

Le Dr Bertrand prend aussi conscience à de nombreuses reprises du mur qui sépare les médecins de ville des médecins hospitaliers : il n'a pas de nouvelles de ses patients pris en charge par le Samu, et se fait houspiller lorsqu'il décide de mener des tests RT-PCR au cabinet.

S'il rencontre des décès, il a aussi la chance d'assister à des miracles : « J'ai eu des nouvelles de Gérard, cet homme handicapé qui vit avec sa mère à Wattrelos. C'est incroyable : l'espoir de sa mère a eu raison du Covid. Ni lui ni elle n'en sont morts ! Un truc de fou ».

Amertume

Et, quand lui-même se fait tester, malgré le maintien de son activité pendant toute l'épidémie de Covid, il a la surprise d'apprendre qu'il n'a pas été contaminé.

Son journal de bord est un plaidoyer pour le respect de mesures de prudence simple, et par conséquent un rappel aux responsabilités individuelles.

Mais l'amertume, quant aux autorités de tutelle, est palpable : « Nous vivons une bizarre atmosphère de fin de bataille, mais sans le gong qui nous dise clairement quand nous pourrons de nouveau accueillir nos patients en salle d'attente, et reprendre une activité normale. Je suis un peu amer. Nous avons travaillé comme des fous, en non-stop, sans rien lâcher. Et là, j'ai le sentiment que nous allons aussi payer la facture. C'est notre gouvernement qui n'a pas su préparer le pays, qui a failli ».

Références

Dr Bertrand Legrand. Journal d'un médecin au temps du coronavirus. Editions de l'Archipel. 224 p.

Adaptation d'un article publié par Medscape Edition France

Philippe Anaton • Medscape © 2020 WebMD, LLC

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