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Covid 19 : la cohésion passe-t-elle nécessairement par la carotte et le bâton ?

Opinion

BRUXELLES 14/01 - 20.000 décès. De minimisation de la crise à l’annonce d’une nouvelle guerre, d’espoir en déconvenue, depuis un an notre société tente par tous les moyens de relativiser les failles des gouvernements et ministres successifs et de maintenir un minimum de santé publique, de vie sociale et de niveau économique dans notre pays.

Les messages des autorités politiques ont été au début très ignorants du réel impact que nous allions devoir affronter. Puis sont venus des communications qui se voulaient rassurantes sur les compensations financières aux entreprises et indépendants et des primes au personnel médical qui n'en demandait pas tant mais plutôt des moyens humains et techniques, après des années de restriction budgétaire et de limitation d'accès à la profession. C'était la saison des carottes ! Mais très vite, les coups de bâton sont tombés avec, pour cible privilégiée et persistante depuis, le milieu culturel, l'horéca et les coiffeurs, allez savoir pourquoi.

Un fossé s'est créé, par les communications officielles successives, entre ceux qui ont bénéficié d'avantages sous forme d'ouverture autorisée ou non, ceux dits essentiels et ceux que l'on doit donc qualifier de futiles.  Dans la même bagarre de tranchée, on retrouve les radicaux des règles sanitaires anti-Covid face aux complotistes. La même division, sans doute, entre ceux qui, dans une tribune vidée de ses supporters, se regroupent pour défendre la vaccination à tout prix et pour tous et dans la tribune opposée ceux qui pensent que tout ceci n'est qu'une sombre magouille entre monde politique et industrie pharmaceutique dont la popularité, toujours inférieure à celle des fabricants de cigarettes, atteint aujourd'hui des fonds abyssaux.

L'arrivée des vaccins est une nouvelle occasion de délivrer les carottes et les bastonnades. Maintenant que plus personne ou presque ne se concentre sur les règles sanitaires de base du fait de l'arrivée des vaccins, la culture des carottes et l'élagage vont reprendre. Certains politiques l'on déjà laissé entendre : si vous voulez voyager (on doit être environ 11 millions dans ce cas !) il faudra montrer patte blanche et un certificat de vaccination tout neuf. Ceci pour remplacer les quarantaines que l'Etat est incapable de vérifier. A moins que le père Noël n'ait apporté de nouveaux bâtons ?

Un registre de vaccination par exemple ? Dans la foulée, pourquoi pas le même document pour se rendre au restaurant ou chez le coiffeur ? Et pourquoi pas un signe extérieur à apposer ouvertement pour faciliter le contrôle ? Et pendant ce temps-là, gérants de salle de théâtre, de cinéma, coiffeurs et esthéticiennes continuent leur addiction aux antidépresseurs.

Ce week-end encore, le ministre de la santé a évoqué une intensification des contrôles. Les coups de bâton vont pleuvoir pour autant que l'application de ces mesures soit réaliste, ce que plusieurs corps de police dénoncent fermement.

La culture de la cohésion est totalement absente du discours politique. La publication de la liste des priorités à la vaccination ne fera qu'accentuer ce phénomène. Relayé par la récente carte blanche au Ministre de la Santé d'un groupe minoritaire de médecins sous la forme d'un « nous d'abord » inutilement corporatiste (qui douterait en effet de la nécessité de protéger les soignants), mettre les concitoyens dans des boîtes selon l'âge, leur comorbidité ou l'appartenance à un corps de métier ou un autre ne favorise ni la cohésion ni le respect de l'autre.

Il ne s'agissait pas de crier « les femmes et les enfants d'abord » dans cette pandémie. Est-il logique de privilégier les personnes en maison de repos par rapport à des personnes actives mais en excès pondéral ou diabétiques, par rapport aux insuffisants cardiaques ou aux insuffisants rénaux en dialyse comme le souligne le groupement des néphrologues voire même par rapport au corps médical dans son ensemble ?

Poser la question c'est poser celle du prix d'une vie et de la nécessité d'un débat éthique au parlement qui n'a malheureusement pas eu lieu.

Ce débat démocratique aurait au moins eu le mérite d'apporter quelques éclaircissements à la population sur les choix proposés et d'entendre aussi ces soignants qui refusent la vaccination aujourd'hui, perdant leur place dans la file au risque de quand même continuer à favoriser une certaine circulation du virus. Il aurait aussi servi à justifier les choix actuels du gouvernement ou à les invalider en optant pour une vaccination massive et rapide pour tous, comme certains pays voisins l'ont choisi.

Pourquoi continuer par exemple à pénaliser encore longtemps les étudiants  au risque de graves problèmes de santé mentale et de décrochage scolaire ?

Combien de nouvelles douleurs familiales devons-nous encore accepter pour chaque décès entre maintenant et l'été ?

La stratégie actuelle qui consiste à rendre responsables des décès et d'une quasi mort sociale les mauvais citoyens qui ne respectent pas les règles et à renforcer les contrôles n'a que pour seul but de masquer la faillite du testing-tracing et celle à venir de la lenteur du programme de vaccination.

Dans le même registre, ne pas condamner ouvertement la délation entre voisins relève de l'éthique publique et de la vie en société.

On est en droit d'attendre que ce gouvernement qui parle d'une équipe de 11 millions de Belges renforce la cohésion sociale plutôt que d'opposer et de contrôler à tout vent en maniant la carotte et le bâton.

Dr Thomas, cardiologue

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Marc Tomas • MediQuality

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