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Une bombe à retardement : 13.000 patients pour 4 généralistes ! (Témoignage)

Opinion

BRUXELLES 03/06 - « Dans la région où j’exerce, sur 8 généralistes, je suis le seul à avoir moins de 55 ans. Deux collègues sont déjà septuagénaires et sont en train de réduire progressivement leur activité. Dans cinq ans, nous ne serons probablement plus que quatre généralistes pour couvrir les 13.000 habitants de nos trois villages. » Témoignage.

Généraliste à Broechem, Bert Leysen est aussi président de la zone de première ligne du Pallieterland. Voici son témoignage.

« Il y a environ 5 ans, je me suis installé comme généraliste dans un petit village du Pallieterland – une zone de première ligne qui recouvre les communes de Berlaar, Duffel, Lierre, Nijlen et Ranst en province d'Anvers. Comme bien des collègues, j'adhère à la philosophie que, en vertu de notre honneur de médecins, notre travail devrait consister à nous rendre superflus. »

« Lorsqu'un patient se présente avec un problème, je veux non seulement le traiter mais aussi lui dispenser des conseils à titre préventif, même si ce n'est pas facile et que – j'en conviens volontiers – je n'y arrive pas toujours. Un petit exemple tiré de la pratique : un patient a des problèmes de reflux. Je vais donc lui prescrire un inhibiteur de l'acidité gastrique pour soulager la douleur aiguë, mais j'examinerai aussi avec lui les possibilités de prévenir les plaintes. Est-ce qu'il serait utile d'adapter sa position de sommeil ? Devrait-il perdre quelques kilos ? Y a-t-il quelque chose qui le stresse ? Je cherche ainsi une solution à plus long terme. »

Le généraliste pour coach

« Il va sans dire qu'une telle approche demande de l'ouverture, de la curiosité intellectuelle et du temps. Parfois, je demande au patient de revenir pour voir comment son problème évolue avec le traitement et les mesures de prévention proposées. En tant que médecin de famille, j'endosse ainsi un rôle de coach et je développe la capacité du patient à prendre sa santé en main. Cela peut être extrêmement satisfaisant lorsque je vois peu à peu diminuer la fréquence des consultations de coaching à mesure que le patient apprend à résoudre ses problèmes par lui-même. Je mets donc la barre très haut s'agissant des soins que je dispense – ou c'est du moins mon impression. Mais dans cinq ans, est-ce que j'arriverai encore à maintenir ce même niveau ? Est-ce que je pourrai encore consacrer suffisamment de temps à chacun pour assurer ces soins préventifs ? Lorsque je vois mes conditions de travail actuelles, je ne peux que me poser la question. »

« Dans la région où j'exerce, sur 8 généralistes, je suis le seul à avoir moins de 55 ans. Deux collègues sont déjà septuagénaires et sont en train de réduire progressivement leur activité. Dans cinq ans, nous ne serons probablement plus que quatre généralistes pour couvrir les 13.000 habitants de nos trois villages. Cela représente une moyenne de 3.250 patients potentiels par médecin, alors que la moyenne belge est actuellement de 1.100. Autant dire que je n'aurai probablement bientôt plus même 20 minutes à consacrer à chaque patient. »

Se lancer en solo à la campagne, il faut oser

« Bien sûr, de jeunes médecins de famille sortent chaque année des universités, mais comment les motiver à venir travailler dans un petit patelin ? De nombreux collègues préfèrent commencer en milieu urbain, dans un cabinet de groupe moderne et bien équipé. Il faut une sacrée dose de courage pour se lancer en solo en rase campagne ! J'ai donc décidé de prendre les choses en main pour désamorcer cette bombe à retardement qui menace les généralistes des environs : j'ai acheté un bâtiment pour y créer trois nouveaux cabinets, dans l'espoir de pouvoir rapidement accueillir de nouveaux collègues. »

« Je crois à la plus-value de la prévention, de la planification des soins anticipée et de la collaboration interdisciplinaire, que ce soit au sein de la première ligne ou entre la première et la deuxième. Je crois aussi à la promotion de quartiers où les citoyens prennent soin les uns des autres. Ce sont des choses qui sont souvent écartées parce qu'elles sont certes importantes mais ne semblent pas vraiment urgentes. Or c'est une erreur : ce sont justement ces actions qui améliorent la santé et l'autonomie des patients et de leur entourage, et cette autonomisation limite le nombre d'urgences aiguës. »

Revoir le cahier des charges de la médecine générale

« Dans un contexte où la patientèle du généraliste lambda ne cesse d'augmenter, il est urgent que la profession réfléchisse à son cahier des charges. Chaque malade chronique doit-il vraiment revenir tous les trimestres pour un renouvellement de prescription ? Toutes les personnes âgées institutionnalisées doivent-elles être vues une fois par mois ? Et si oui, qu'est-ce qui fait la valeur de ces consultations de suivi chroniques ? Devons-nous continuer à réaliser nous-mêmes des ECG et des prises de sang ou ferions-nous mieux d'engager un infirmier ? »

Ne pas se limiter à éteindre des incendies

« En tant que généralistes, notre intervention ne devrait pas se borner à étouffer les foyers d'incendie. Nos patients le méritent. Ils doivent avant tout être bien informés au sujet de leur santé. Nos longues années d'études et notre expérience des soins servent à leur enseigner le plus possible à prendre soin d'eux-mêmes et, si possible, de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins. De nombreux médecins de famille réfléchissent déjà aux moyens d'atteindre cet objectif, même dans un monde qui change. C'est ainsi que nous tiendrons tous le coup plus longtemps. »

Ce blog est paru sur le site www.patientempowerment.be

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Dr. Bert Leysen •

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