Témoignage d'une jeune généraliste : « Je suis la petite lumière au bout du couloir »
BRUXELLES 27/10 - Il fait noir dehors. Le cabinet est vide. Il y a juste la petite lumière au bout du couloir. Et ma voix, qui s'excuse de rappeler si tard, qui explique pour la dixième fois aujourd'hui comment se déroule une quarantaine, qui rassure, qui donne des trucs et astuces, qui rigole parfois. Et souvent le silence, parce qu'écouter c'est toujours plus important.
Parfois, il y a de la musique. Entre deux, sur un air de musique folk, je rédige les certificats de quarantaine, d'absence, de truc, de machin, et puis quelques prescriptions pour les chroniques aussi. Il ne faut pas oublier les patients chroniques, même si souvent ils essayent de se faire tout petits pour ne pas déranger.
Il y a la lumière de l'écran de l'ordinateur pour les dossiers, de celui de l'ECG avec des fichiers pdf encore à ranger - pas eu le temps -, celui de l'échographe avec des images à intégrer aux dossiers - pas eu le temps -, celui de mon gsm professionnel avec un sms d'un patient qui me rappelle que j'ai oublié quelque chose - ou pas eu le temps -, celui de mon gsm privé avec les messages des proches - pour ça, je prendrai toujours le temps.
Aujourd'hui, j'ai quitté mon chez moi avant que le soleil ne se lève. Le téléphone a sonné 48 fois.
Le téléphone a appelé quelqu'un 27 fois. Les pas de 24 patients ont résonné dans le cabinet. Ils y ont déposé leurs inquiétudes, pour leur santé, pour leurs proches, pour la situation sanitaire, politique, pour la liberté, pour leur commerce, pour leurs projets, pour leur vie.
Parfois même pour moi. "Vous n'allez pas devenir folle, docteur ?" "Oh, ça changerait quelque chose alors ? Je suppose que je l'étais déjà bien avant la crise sanitaire." "Oui, mais un jour, vous risquez d'en avoir marre des plaintes de tout le monde, non ?" "Ecouter les gens se plaindre, c'est un peu la définition de mon travail. Et je n'en aurai jamais marre de discuter avec mes patients."
Rassurer, encore. Répéter de ne pas hésiter de me contacter, de ne jamais avoir peur de me déranger. Sursauter parce que le téléphone sonne entre mes mains pendant que je rédigeais un sms.
Finir de rédiger mes cours, parce que les étudiants ont besoin plus que jamais de matières passionnantes et de professeurs enthousiastes. Parce que former les soignants de demain est une mission tellement essentielle dans la situation actuelle.
Encore un coup de fil, encore un, et je rentrerai.
Je suis la petite lumière au bout du couloir.
Et je continuerai de l'être tant qu'il faudra."
A propos du Dr Marie Hechtermans
Médecin Généraliste - Médecin du Sport à Etterbeek
Sa vie professionnelle s'articule autour de trois facettes : la médecine générale et sportive, l'enseignement en haute école et l'engagement au niveau syndical.
MediQuality offre à ses membres la possibilité de s'exprimer concernant des sujets médicaux et/ou d'actualité. Ces opinions reflètent l'avis personnel de leur(s) auteur(s) et n'engagent qu'eux.
MediQuality offre à ses membres la possibilité de s'exprimer concernant des sujets médicaux et/ou d'actualité. Ces opinions reflètent l'avis personnel de leur(s) auteur(s) et n'engagent qu'eux.