Actualités dans le traitement du VIH (Interview Pr S. De Wit)
30/11 - En 1981, le 1er cas de SIDA a été identifié et signait le début d’une pandémie qui a fait des millions de morts au niveau mondial. Depuis, la thérapie antirétrovirale a permis aux personnes vivant avec le VIH d’avoir une vie presque normale. Les progrès se poursuivent… Le Pr Stéphane De Wit (CHU Saint-Pierre, Bruxelles) revient sur l’actualité autour du VIH.
La bithérapie
Si la bithérapie, essentiellement basée sur le dolutégravir associé à la lamivudine (3TC) ou à la rilpivirine, constitue une nouveauté relative, elle assoit malgré tout sa position dans le traitement du VIH. Selon le Pr. De Wit, « Toutes les études vont dans le même sens, et ne montrent pas de différence significative en termes d'efficacité entre ces bithérapies et les trithérapies. ». De nouvelles preuves viennent étayer ce nouveau paradigme dans la prise en charge du VIH, avec les résultats de l'étude TANGO à 96 semaines ; on attend aussi ceux de l'étude SALSA, qui a inclus plus de femmes.
Globalement, la tolérance de la bithérapie est comparable, même si, dans les études, on observe un peu plus d'effets secondaires au moment du passage à la bithérapie ; ceci n'est pas inattendu puisque le passage à la bithérapie équivaut à un changement de molécules et donc à un risque potentiel de nouveaux effets secondaires.
La forme injectable
Autre nouveauté : la forme injectable. Il s'agit d'une nouvelle offre thérapeutique qui consiste, après un premier mois de traitement oral pour évaluer la tolérance aux deux molécules (cabotégravir et rilpivirine), en deux injections intra-musculaires tous les deux mois. Un essai d'implémentation et de faisabilité est actuellement en cours en Europe, et en Belgique en particulier, avec différents centres de référence dont le CHU Saint-Pierre à Bruxelles.
« Il s'agit d'une offre supplémentaire, une opportunité pour des patients qui ont difficiles à prendre leurs médicaments tous les jours, qui l'oublient, ou qui sont dans des conditions sociales difficiles. Cela peut également être une réponse pour les patients qui n'aiment pas prendre les médicaments de manière orale », souligne le Pr De Wit. Bien évidemment, cette approche présente quelques limites, notamment le fait que l'injection est un peu douloureuse mais surtout que le patient doit se présenter plus fréquemment à l'hôpital.
« L'autre créneau intéressant pour cette approche, c'est la prophylaxie préexposition (PrEP), où là, en effet, une injection tous les deux mois, qui protège du VIH, c'est pas mal. », ajoute-t-il en insistant sur la nécessité d'un remboursement des formes injectables en PrEP.
Grossesse
Fin du débat autour d'un éventuel effet tératogène du dolutégravir au niveau neurologique. Pendant un certain temps, il a été recommandé de ne plus exposer les femmes au dolutégravir pendant le premier trimestre de leur grossesse. Toutefois, les données actuelles sont extrêmement rassurantes. « Tout le problème venait d'études faites en Afrique, qui avaient initialement montré un taux anormalement élevé de troubles liés à la fermeture du tube neural. Depuis, cette même cohorte, qui est toujours suivie, ne montre plus cela […]. On ignore pourquoi. Une hypothèse serait qu'à l'époque, on n'a pas suffisamment supplémenté ces femmes en acide folique, malgré son importance dans la bonne fermeture du tube neural, et donc il est possible qu'il y ait un parasitage des données ».
« Aujourd'hui, quand on regarde l'incidence de nouveaux cas de troubles de fermeture du tube neural, elle est similaire qu'il y ait ou non exposition au dolutégravir ».
Traitement curatif : une réalité future ?
Très prochainement, le Pr De Wit et son équipe vont initier, en collaboration avec l'ANRS (Agence Nationale Française de Recherche), un essai pilote capital. Depuis de nombreuses années, on parle des fameux réservoirs, de ce virus endormi, intégré dans le génome cellulaire, mais qui se réveille dès qu'on arrête le traitement ART. Des essais pour activer le virus endormi se sont révélés décevants.
En collaboration avec le laboratoire de la Faculté des sciences de l'ULB, à Gosselies, le Pr De Wit et son équipe ont testé de multiples combinaisons pendant plusieurs années, et ils ont découvert une combinaison de produits qui a une action ex vivo beaucoup plus importante comparativement aux essais antérieurs. « Il s'agit d'une étape importante quel que soit le résultat de la recherche. Si la recherche est négative, cette stratégie devra être abandonnée car cela signifierait que même avec une combinaison très puissante, on n'y arrivera pas. », souligne le Pr De Wit.
Des recherches à suivre !
Référence
D'après une interview du Pr Stéphane De Wit, chef de service des maladies infectieuses, CHU Saint-Pierre à Bruxelles.