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Vaccination contre la Covid-19 : ce qu’on ne vous dit pas

Opinion

BRUXELLES 18/12 - Comme un cadeau de Noël attendu depuis si longtemps, le premier vaccin contre la Covid-19 fait son entrée triomphale en Europe. C’est Pfizer/BioNTech, le mastodonte pharmaceutique, qui remporte le sprint des compagnies impliquées avec une courte mais belle avance sur son poursuivant immédiat, Moderna.

Le soulagement pour deux tiers des Belges prêts à se faire vacciner selon les médias, même si les sondages sont partagés, et aussi pour nos ministres, celui de la santé en tête, qui entrevoient le bout du tunnel en 2021 ou 2022.

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Peut-on se réjouir ? Oui certainement, au vu des dizaines de millions de décès dans le monde et en particulier dans notre pays, pas le plus performant dans ce domaine. Plus de 17.000 citoyens n'auront pas vécu assez longtemps pour bénéficier d'une vaccination efficace et sûre. C'est évidemment catastrophique et à ne jamais oublier.

Les médias n'arrêtent pas depuis des semaines de vanter les fantastiques performances de ces vaccins, dans un premier temps en relayant uniquement les communiqués de presse des firmes pharmaceutiques qui trouvent dans les journaux télévisés et les éditoriaux des journaux papier des délégués médicaux d'un nouveau type extrêmement efficaces.

Comment interpréter la publication du New England Journal of Medicine concernant le vaccin de Pfizer ?

La première observation est que le but premier de cet essai clinique n'est pas l'efficacité du vaccin mais sa sécurité d'emploi. Plus précisément, les effets indésirables locaux ou systémiques et l'utilisation d'antidouleurs ou d'antipyrétiques pendant 7 jours suivants la vaccination, un mois après la seconde injection et 6 mois plus tard pour les effets indésirables sévères

Curieusement, les communications vers le grand public concernent quasi exclusivement l'efficacité du vaccin, certes remarquable avec 95% de prévention obtenue, mais pas la sécurité d'emploi.

Ce que la publication nous dit aussi mais que ni les médias ni la Santé Publique ne communiquent :

  • 44.820 participants ont été screenés mais seulement 37.706 ont reçu soit le vaccin soit le placebo et ont eu un suivi médian de 2 mois. Que s'est-il passé avec ces 7.114 personnes non suivies, soit quand même 16% des patients screenés ? Ont-elles été perdues de vue ou plus simplement les données ne sont-elles pas encore disponibles au moment de la publication qui devrait, du coup, être considérée comme un rapport intermédiaire, ce que le NEJM n'annonce pas.
  • Les enfants et adolescents de moins de 16 ans n'ont pas été inclus dans cet essai. Absence d'évidence pour ce groupe important de citoyens signifie automatiquement absence de vaccination pour eux. L'école va rester un lieu de circulation important du virus, de même que les cercles sportifs une fois que ceux-ci seront à nouveau autorisés à ouvrir. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour la santé publique.
  • A l'opposé de l'échelle des âges, la publication se contente de présenter les résultats entre sujets de moins ou plus de 55 ans (42% de la population de l'étude). Qu'en est-il des plus de 75 ans qui constituent la grande partie des patients en maison de repos ? Combien de sujets de cette catégorie d'âge ont-ils été inclus ? Aucune donnée n'est disponible dans l'étude, même si on peut supposer que celles-ci existent dans le dossier soumis à la FDA et l'EMA. Mais alors, comment expliquer que l'on ait déjà décidé au niveau politique que la population des maisons de repos allait être prioritaire ? Sur quelle base de bénéfice-risque cette décision a-t-elle été prise ?
  • Aucune évidence n'est disponible dans la publication concernant les personnes ayant déjà été atteintes par la Covid . Cela devrait donc signifier que le vaccin ne peut être administré aux personnes détectées positives. Comment va-t-on pouvoir en pratique s'assurer qu'il en est bien ainsi, les médecins traitants n'ayant semble-t-il pas voix au chapitre pour ce vaccin Pfizer au vu des conditions drastiques de conservation de celui-ci.
  • La sécurité d'emploi chez des sujets atteints de HIV n'est pas reprise dans la publication. Ce groupe de patients ne peut donc actuellement bénéficier du vaccin, ce qui est regrettable pour cette population en particulier.
  • Enfin, le suivi de sécurité se limite à une période de 2 mois dans la publication alors que le protocole prévoyait 6 mois. Ceci semble confirmer qu'il s'agit bien d'un rapport préliminaire. Gageons encore une fois que les données du dossier soumis à l'Agence Européenne contiennent l'ensemble des données sécuritaires, mais en attendant c'est fort court pour un vaccin d'un nouveau type.

Enfin, il reste deux questions fondamentales pour la mise en circulation : l'adhésion des personnes au schéma d'administration du vaccin.

Le vaccin de Pfizer/BioNTech a été administré en deux fois à 21 jours précis d'intervalle dans le cadre de cette étude.

La première observation est de constater que nous ne disposons pas de données dans le cas où l'intervalle entre les 2 injections est plus court ou plus long, par exemple 4 ou 6 semaines. Ceci implique la nécessité de mettre en place un programme de suivi à réaliser par la firme elle-même, en mode « real-life », une fois le vaccin sur le marché. Il sera intéressant de voir si l'Agence des Médicaments va l'exiger ou pas. De même pour les effets indésirables qui devraient être également collectés durant une période dépassant 6 mois en vie réelle.

La deuxième question est liée au respect de la 2ème injection, ce que l'on appelle l'adhérence ou l'observance thérapeutique. Dans la publication du NEJM, moins d'1% des patients n'ont pas reçu la 2ème injection. Le fait de se trouver dans une situation très contrôlée d'étude clinique explique ce faible taux. Mais qu'en sera-t-il en vie réelle, dès le mois prochain ?

La littérature portant sur des programmes de vaccination incluant plusieurs injections n'est pas rassurante : les vaccinations pour l'hépatite A, B et A/B montrent un taux de vaccination complète très bas : 23 à 35%. Si on peut espérer que la motivation des participants sera plus grande pour la prévention Covid que pour l'hépatite, la raison majeure de toute non-adhésion thérapeutique est l'existence d'effets secondaires. Dans l'étude Pfizer, les effets secondaires locaux étaient présents chez 80% des patients après la première injection, ce qui peut faire craindre un désintérêt pour la deuxième injection, surtout si à ce moment, la pandémie est en net recul.

Il est donc indispensable que les autorités sanitaires s'assurent de l'observance des personnes vaccinées, en mettant en place un programme systématique de rappel pour la 2ème injection par SMS par exemple. Au risque de ne pas obtenir le niveau d'immunisation attendue au niveau individuel mais surtout au niveau sociétal.

A ce jour, aucune communication allant dans ce sens n'a été faite par les autorités. Espérons simplement qu'il ne s'agit pas d'un-nouvel-oubli !

A propos

Le Dr Marc Tomas est cardiologue.

 

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Dr Marc Tomas • MediQuality

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