Prof. Marc Noppen, CEO de l’UZ Brussel : « Rendre la vaccination Covid-19 obligatoire pour le personnel de santé »
BRUXELLES 12/02 – « À l'UZ Brussel, la volonté de se faire vacciner est particulièrement élevée. Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu un seul refus. Mais à moins de 500 mètres de notre hôpital, dans une maison de repos et de soins de la Région de Bruxelles-Capitale, jusqu'à 60% du personnel soignant refuse catégoriquement le vaccin Covid-19.
D'où mon appel à rendre la vaccination obligatoire pour le personnel soignant si les refus persistent, problème qui n'est pas vraiment à l'ordre du jour en Flandre mais est très vivant à Bruxelles et peut-être aussi dans les hôpitaux wallons. Mon initiative est peut-être provocatrice, mais je veux faire progresser le débat. »
Une surmortalité anormale
Le professeur Marc Noppen est pneumologue et s'intéresse tout particulièrement au Covid-19. Il entame sa présentation lors du webinaire MediQuality par un graphique sur l'impact du Covid-19 sur le taux de mortalité en Belgique. Le graphique montre les décès des 20 dernières années, qui sont relativement stables. Ces chiffres sont comparés aux décès de 2020, où l'on observe trois pics majeurs, une situation inédite depuis la grippe espagnole. L'impact du Covid-19 sur les décès au cours de l'année 2020 a été énorme, et s'est surtout manifesté au cours des mois d'avril, d'août (canicule) et d'octobre.
« Je montre ce graphique parce que j'entends dire qu'il y a encore des médecins qui nient cette situation et font croire à leurs patients qu'il s'agit d'un canular des entreprises pharmaceutiques »
« Le Covid-19 a également un impact majeur sur la morbidité. Quinze pour cent des patients guéris du Covid-19 souffrent toujours de problèmes pulmonaires ou cardiaques persistants. Je tiens à répéter qu'il ne s'agit pas d'une grippe banale, même si cela m'attire les foudres des négationnistes et des théoriciens du complot. »
« Nous sommes dans une phase à la fois stable et fragile »
« À l'UZ Brussel, hier (le 9 février), nous avions 36 patients Covid-19. Nous sommes dans une phase de plateau, comme la plupart des hôpitaux. Nous observons une superposition de plusieurs phénomènes : le variant classique du Covid-19 est moins présent, tandis que le variant exotique devient plus prominent. Les experts considèrent que cette situation est « stable et fragile », et que si nous ne sommes pas attentifs, les choses évolueront dans la mauvaise direction. C'est pourquoi la plupart des spécialistes sont réticents à un assouplissement des mesures sanitaires. Pour brosser un tableau global : à ce jour, 1.400 patients atteints de Covid-19 ont été admis à l'UZ Brussel et si nous arrondissons un peu, nous pouvons dire que 400 d'entre eux ont été admis en soins intensifs, et 200 sont malheureusement décédés. »
« Vers une communication plus cohérente »
M. Noppen : « En ce qui concerne la stratégie de vaccination, je voudrais exprimer quelques réflexions. Tout d'abord et surtout, c'est formidable que les vaccins aient pu être disponibles aussi rapidement et que les autorités aient pu élaborer un plan de vaccination solide. Il est juste dommage qu'il y ait tant de contradictions dans la communication. Les vaccins arrivent, puis ils sont retardés, et cette communication ‘yo-yo' provoque beaucoup d'insécurité au sein de l'hôpital. En fait, cela fait quatre semaines que nous vaccinons, nous pouvons vacciner 400 collaborateurs par jour et nous aimerions en vacciner 4.000. Puis il y a trois semaines d'attente, pour à nouveau vacciner 400 collaborateurs par jour. Mais en réalité, la situation est complètement différente. »
« Pour l'instant, parmi nos collaborateurs, seules 30 personnes sont entièrement vaccinées et environ 800 ont reçu la première dose. J'ai été en contact, aujourd'hui encore, avec les autorités au sujet de la communication relative à la vaccination, qui doit être moins chaotique car je crains que ce soit précisément cela qui sape la confiance du personnel. Bien que nous n'ayons pas à nous plaindre dans notre hôpital flamand à Bruxelles. Sur les 800 collaborateurs qui ont été invités à se faire vacciner, personne n'a refusé. Le personnel manifeste beaucoup de confiance et de souhait de se faire vacciner. En étant réaliste, je pense que nous finirons avec un taux de vaccination de 95%, car nous devons toujours tenir compte des collaboratrices qui sont enceintes. »
Une suggestion : rendre le vaccin obligatoire pour le personnel de santé
M. Noppen : « Lorsque je compare la volonté de se faire vacciner de notre personnel avec ce qui se passe au sein de la maison de repos et de soins de Jette, à 500 mètres de l'hôpital, je suis choqué. Là, il semble que 60% du personnel soignant refuse le vaccin Covid-19. Nous savons que la majorité du personnel de soins est d'origine africaine, avec une vision différente de la vaccination et surtout des canaux d'information propres.
Il est difficile d'atteindre ce groupe, et encore moins de le convaincre, parce que de nombreux non-sens circulent sur Internet et sur les réseaux sociaux à propos de la vaccination. Nous savons, bien sûr, qu'il y aura toujours une minorité qui ne pourra pas être convaincue et qui continuera à refuser. D'où ma suggestion, comme premier pas vers un débat : pouvons-nous rendre la vaccination Covid-19 obligatoire pour le personnel de santé, si nous constatons encore de nombreux refus, comme c'est actuellement le cas dans les hôpitaux bruxellois ? Et peut-être aussi dans les hôpitaux francophones, bien que j'aie une moins bonne vision de la situation là-bas. ».
Impact du Covid-19 sur l'hôpital : moins de revenus
M. Noppen : « L'impact du Covid-19 sur l'UZ Brussel a été, comme dans d'autres hôpitaux, important, voire très important lors de la première vague. À l'époque, les soins non urgents et non essentiels ont été interdits. Cette période a duré deux à trois mois. Nos médecins ne pouvaient traiter que les cas urgents et nécessaires. Cela n'a pas été évident. Que se passe-t-il si vous avez affaire à un nouveau patient ou si un patient existant présente tout à coup de nouveaux symptômes ? Le Covid-19 a, par contre, provoqué l'essor de la téléconsultation. Nous sommes rapidement passés de 0 à 2.000 téléconsultations par jour, et nous continuerons à le faire pour les patients chroniques.
La pandémie a eu un impact majeur sur le fonctionnement des hôpitaux et sur les revenus des médecins. Nous avons pu rattraper une partie du retard pendant l'été. L'activité était alors anormalement intense; contrairement aux autres années, il n'y a pas eu de pause estivale. Nous sommes maintenant dans une phase de plateau, les activités non-Covid sont presque revenues à la normale, à part aux urgences où l'activité reste inférieure. »
« Nous pouvons conclure que la pandémie nous oblige à envisager les soins d'une manière différente, à les concevoir différemment. Cela signifie également que les soins post-Covid-19 devront être honorés différemment, ce qui pourrait peut-être faire l'objet d'un futur webinaire sur les adaptations de la nomenclature ? »
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