« Un plateau prolongé à 500-900 lits ICU occupés représente un problème majeur (interview Pr Meyfroidt)
BRUXELLES 26/04 – Au cours de la semaine écoulée, nos hôpitaux ont accueilli chaque jour 240 nouveaux patients Covid et, avec 910 lits occupés aux soins intensifs, la pression sur le secteur reste extrêmement élevée. Comme l’explique le Pr Meyfroidt, spécialiste en médecine intensive rattaché à l’UZ Leuven et président de la Belgian Society of Intensive Care Medicine (SIZ).
« Un plateau prolongé à 500-900 lits ICU occupés représente un problème majeur pour les programmes de soins qui dépendent des soins intensifs, comme la chirurgie cardiaque, la neurochirurgie ou les opérations majeures en oncologie. Ce n'est évidemment pas un message très réjouissant et, dans un contexte où de nombreuses personnes ont décroché ou ne sont plus motivées, il est très dur, en tant qu'intensiviste, de devoir dire ce que personne n'a envie d'entendre. En même temps, nous ne sommes évidemment que les témoins de ce que nous voyons sur le terrain. »
« Le nombre de personnes hospitalisées aux soins intensifs reste coincé au même niveau. En général, on observe un pic suivi d'une diminution, mais ce n'est pas le cas actuellement : le plateau ne cesse de se prolonger. Le nombre de nouveaux patients est à peu près inchangé, mais ceux qui doivent être admis aux soins intensifs sont plus gravement malades et y restent plus longtemps. La mortalité est heureusement faible, ce qui est un bon indicateur des chances de survie et s'explique en partie par l'âge des personnes actuellement hospitalisées aux SI, qui est plus faible qu'au cours de la vague précédente. »
Pas de Steven Van Gucht lors de la conférence de presse du Centre de Crise vendredi : c'est Marcel Van der Auwera, chef du service Aide Médicale Urgente du SPF Santé publique, qui était là pour exposer la situation dans les hôpitaux – une situation « très fragile », a-t-il souligné, avec seulement 82 places libres pour les soins covid et non covid. « Dans la nuit de dimanche à lundi, nous avons été une nouvelle fois confrontés à cette réalité suite au grave incendie survenu à Bruxelles. Trouver des lits SI pour tous les blessés graves a été un véritable casse-tête », a souligné l'expert.
« Les services des soins intensifs de notre pays sont tout simplement pleins. Avec les soins covid et non covid, nous sommes aujourd'hui à notre capacité maximum », confirme le Pr Meyfroidt. « Quand on regarde les modèles du biostatisticien Niel Hens, il est tout à fait possible qu'à un moment donné, les effets des assouplissements et de la vaccination s'annulent… et le plateau actuel pourrait alors se prolonger, voire peut-être persister jusqu'à 6 ou 8 semaines. La situation que nous connaissons en ce moment fait obstacle aux soins de santé ordinaires et il n'y a pour ainsi dire plus de chirurgies électives susceptibles d'avoir un impact sur les soins intensifs. À l'heure actuelle, procéder à un agrandissement d'échelle et réaliser les soins covid dans des lits de soins intensifs créés pour l'occasion n'est pas la solution, d'autant que cette approche a aussi un impact négatif sur les résultats des patients covid. »
« Je ne possède pas l'expertise nécessaire pour me prononcer sur l'impact d'un certain nombre d'assouplissements planifiés, mais je pense qu'il n'est pas raisonnable de les lier à une date fixe, sans tenir compte de la charge qui pèse sur les hôpitaux et sur les services des soins intensifs. »
Vous trouverez ci-dessous un aperçu des facteurs qui, d'après la communauté MediQuality, sont importants pour autoriser les assouplissements. Source : notre sondage d'avril 2021.
« Nous pensons qu'il sera possible d'organiser des soins non covid acceptables à partir du moment où le nombre de patients aux soins intensifs restera inférieur à 500 – le Hospital & Transport Surge Capacity Comittee aurait même préféré fixer ce seuil à 300. Un plateau prolongé à 500-900 lits ICU occupés représente un problème majeur pour les programmes de soins qui dépendent des soins intensifs, comme la chirurgie cardiaque, la neurochirurgie ou les opérations majeures en oncologie. Évidemment, ce n'est pas un message très réjouissant. Dans un contexte où une grande partie de la population a décroché ou n'est plus motivée parce que cette pandémie dure depuis si longtemps, il est très difficile en tant qu'intensiviste d'être porteur de nouvelles que personne n'a envie d'entendre… mais en même temps, nous ne sommes évidemment que les témoins de ce que nous voyons. »
« Si la campagne de vaccination trouve son rythme de croisière, la situation devrait se normaliser, même si cela dépendra aussi beaucoup des variants. À l'UZ Leuven, il y a trois départements de soins intensifs, qui accueillaient ce jeudi une douzaine de patients. Aucun n'avait le variant Wuhan ; la plupart avaient contracté le variant britannique et une petite minorité, le variant brésilien ou sud-africain. J'ai aussi eu une grosse frayeur en apprenant que le variant indien avait été signalé dans notre pays jeudi [une vingtaine d'étudiants indiens sensés suivre une formation en soins infirmiers à Alost et Louvain sont infectés alors que certains sont déjà vaccinés, ndlr]. Nous ne savons pas encore s'il est plus contagieux ou provoque des formes plus graves. »
« Même si la situation est difficile et persiste depuis bien trop longtemps, personnellement, je vais bien. La semaine dernière, j'ai pris quelques jours de congé et je me suis forcé à faire une vraie pause. J'ai pu lâcher un instant le coronavirus et me détendre, et ça m'a fait un bien fou ! N'oublions pas que la route est encore longue. »
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