Dossiers  >   Gestion hospitalière  >  Les spécialistes en formation seront en grève jeudi (pétition)

Les spécialistes en formation seront en grève jeudi (pétition)

Opinion

BRUXELLES 27/04 - Face à la volonté des hôpitaux de proposer des conditions de travail correctes, les médecins spécialistes entendent faire peser le poids d'un arrêt de travail. Au risque de paralyser les institutions en plein Covid ? « On nous fait affront », tempêtent leurs représentants, tant au nord qu'au sud du pays.

« Vous prendriez un avion dont vous savez que le pilote a été aux commandes plus de 80 heures dans la semaine, dont deux nuits blanches complètes ? Non ? Et pourtant, c'est ce qui arrive à de nombreux patients, y compris aux urgences, quand ils sont soignés dans les hôpitaux belges ». Le docteur Jean-Michel Mot est excédé par la dernière réunion tenue entre les représentants des médecins spécialistes en formation et ceux des hôpitaux qui les emploient.

« On nous fait affront, il n'y a manifestement aucune volonté d'améliorer nos conditions de travail, alors que nous présentions une proposition convenable et équilibrée », explique le porte-parole du Comité interuniversitaire des médecins assistantes candidates spécialistes (CIMACS). L'affront est si brûlant que ce week-end, les trois comités locaux des facultés de médecine complètes qui le composent ont décidé d'un arrêt de travail d'une heure ce jeudi 29 avril de 14 à 15 h. Un sérieux coup de semonce pour une profession qui, comme toutes les fonctions essentielles, répugne à la grève.

« Certains vont croire à une défense sectorielle, égoïste, voire que nous profitons de la crise pour obtenir de l'argent en plus. C'est une double erreur. Premièrement, ce combat, nous le menons d'abord pour le patient et la qualité des soins offerts dans les hôpitaux. Nous sommes médecins à part entière, nous prescrivons, nous pratiquons, nous avons des vies en main, même si c'est sous la supervision d'un mentor.

Quand il y en a un de disponible, car il y a un gros déficit d'encadrement. Et les hôpitaux veulent faire croire qu'ils ne nous emploient pas, que nous faisons une sorte de stage d'observation. Or, nous sommes directement productifs et apportons d'importants revenus aux hôpitaux. Deuxième, cette situation dure depuis des années sans solution convenable pour tous les candidats, chaque hôpital bricolant de son côté. Que nous proposent-ils en retour à notre proposition ? Un accord commun qui est le minimal du minimal ».

L'obligation du pointage contre des abus manifestes

Dans le texte proposé par le CIMACS, il y a notamment l'obligation de pointage pour prévenir les abus, la compensation correcte des heures supplémentaires et le droit au premier mois de maladie pris en charge à 100% par l'employeur. Aujourd'hui, leur salaire est raboté dès la première journée de carence à Liège. « Ce qui représente le risque de voir le médecin malade se présenter quand même au travail, une aberration en termes sanitaires », tonne Jean-Michel Mot.

Le document aborde aussi le pourcentage de pénibilité, le respect des heures de nuit, les gardes rappelables « limitées au nombre de 6 par mois », le fait que « les 2 premières heures supplémentaires ne sont pas comptabilisées, mais payées à leur barème et pénibilité correspondante » ou encore « la protection optimale et effective des femmes enceintes et l'interdiction du travail de nuit pour celles-ci. » Sans oublier des éléments basiques comme « un casier fermé, une fiche de paie individualisée complète, lisible et claire et un vestiaire unisexe ou cabine individualisée afin de prévenir du harcèlement ». On croit rêver !

Vers une suppression de la rémunération des gardes

Face à cela, les représentants des hôpitaux non seulement ne font pas droit aux demandes, mais entendent même dégrader la situation actuelle, d'après le docteur Jean-Michel Mot : « Leur texte ose carrément supprimer la rémunération des gardes, n'établit aucun contrôle horaire, il n'y a pas d'heures supplémentaires rémunérées avant 60 h par semaine et sous réserve d'avoir signé l'avenant. Il y a également une décharge de toute responsabilité en tant qu'employeur et une généralisation du « Jour 1 » de maladie sur la mutuelle et donc un retrait sur salaire dès que l'on est malade.

Il y a également une diminution des congés. Et par-dessus tout, ils nous menacent en se réservant le droit de nous faire échouer en notifiant à l'agrément « que vous ne remplissez pas vos obligations de stages si vous dites non »... Pour Jean-Michel Mot, c'est incompréhensible : « La commission paritaire s'est réunie à l'Inami cette semaine pendant deux heures. On a débattu sous la présidence de Jo de Cock. Un gros travail avait été mené sur les « contrats » actuels. Et on n'en tire rien ».

Interrogé par la Libre, Yves Smeets, directeur général de la fédération hospitalière Santhea, estime que « les actuels assistants sont difficiles. Il y a eu de nombreuses générations avant eux qui ont travaillé dans des conditions parfois bien pires. On ne peut pas se focaliser sur les seuls médecins en formation ». Selon lui, le moment de revendiquer est plus qu'inopportun : « la crise Covid fait que les hôpitaux sont dans le rouge. Ce n'est pas le moment de donner des largesses à une catégorie particulière », insiste-t-il avant de renvoyer la patate chaude aux élus : « c'est aux autorités à se préoccuper de la situation financière de ces candidats ».

On va vers une véritable révolte

Un avis qui a fait monter la tension d'un cran : « Les assistants sont très remontés, outrés et il va y avoir une véritable révolte. On va montrer que l'on n'est pas d'accord. Si nous ne faisons pas de travail, mais juste un stage d'observation, comme les hôpitaux semblent le signifier, ils pourront sans soucis se passer de notre aide », rétorque Jean-Michel Mot. Qui sait que la force de travail que constituent les 4.000 assistants rien que du côté francophone est indispensable au fonctionnement de base des hôpitaux.

D'où la « grève » d'une heure de ce jeudi, qui suivra le lancement d'une pétition pour expliquer au grand public que le combat lui est en fait destiné. « Nous lançons une lettre ouverte qui explique que l'on privilégie le mépris des soignants à la qualité des soins. Nous comptons faire une campagne d'information pour l'expliquer en détail, car la réalité de notre vie quotidienne est généralement totalement inconnue du grand public ».

En début d'année pourtant, devant la Commission spéciale Covid, les représentants avaient déjà mis en garde. Tant l'association francophone que la néerlandophone représentant les médecins spécialistes en formation ont procédé à un sondage interne. Les résultats révèlent "beaucoup de mécontentement". Un membre sur trois songe ainsi à arrêter la médecine, alors que 97% d'entre eux ont assuré des soins Covid. "C'est désolant", a déploré Jonas Brouwers, le représentant néerlandophone. "La directive européenne organisant le travail des médecins spécialistes en formation date de 2003. Elle a été transposée en droit belge en 2010. Mais on constate toujours autant d'abus sur le terrain."

Pour Jean-Michel Mot, la situation est inquiétante : « On va vers une perte de droits sociaux pour les assistants et on va se retrouver dans un système peu respectueux. Les hôpitaux refusent de reconnaître que c'est un contrat de travail. Ils ne pensent qu'à la rentabilité. Depuis des mois, nous avons dénoncé énormément de choses, mais cela n'a pas l'air d'avoir un impact. Ils n'ont rien retenu de la crise covid. Nous devons à nouveau nous réunir le 5 mai pour parler des rémunérations. Mais on sait déjà que l'on ne sera pas d'accord avec ce qu'ils vont proposer pour le barème. »

Le 19 mai est la date limite pour que les négociations se concluent entre partenaires. Ensuite, faute d'accord, ce sera au gouvernement de reprendre la main. Pour les représentants des médecins, on ne peut voir arriver la nouvelle cohorte le 1er août prochain sans avoir réglé le problème. « Si on ne met pas le holà, on en sera où dans dix ans ? »

Lien vers la pétition du CIMACS.

 

MediQuality offre à ses membres la possibilité de s'exprimer concernant des sujets médicaux et/ou d'actualité. Ces opinions reflètent l'avis personnel de leur(s) auteur(s) et n'engagent qu'eux.

Maxime Coppin • MediQuality

Pour des raisons de sécurité, votre navigateur n'est pas compatible avec notre site

Nous vous conseillons l'utilisation d'un des navigateurs suivants: