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Révolte des MACS : « Sortons du paradigme qui oppose juniors et séniors »

Opinion

BRUXELLES 18/05 - En l’absence d’une décision satisfaisante à̀ la Commission paritaire médecins-hôpitaux qui se réunit le 19 mai, les médecins en formation de Belgique partiront en grève générale ce 20 mai. Le Dr Quentin Lamelyn soutient les initiatives des assistants : « Le MAC doit retrouver sa juste place, celle d'un apprenti qui constitue une aide ponctuelle dans le travail médical, tant pratique qu'administratif. Si un tel exercice n'est pas possible, il est plus qu'urgent de revoir la façon dont fonctionnent nos hôpitaux et la façon dont ils sont financés. »

Récemment, nous avons pu apprendre que les médecins assistants francophones désiraient mener des actions historiques allant jusqu'à l'appel à une grève générale qui devrait démarrer ce 20 mai. Pourquoi maintenant ? Il se tient actuellement des négociations au sein de la Commission paritaire nationale médecins-hôpitaux où était censé être revu le statut encadrant les conditions de travail des médecins assistants.

Une proposition scandaleuse 

Dans un premier temps, les fédérations hospitalières ont mis sur la table une scandaleuse proposition de contrat compilant tout ce qui se fait de pire dans divers hôpitaux et qui représente un sérieux rétropédalage alors même que les conditions de travail actuelles conduisent un certain nombre de mes homologues vers le burn out.

Pour rappel, les médecins assistants prestent sous un statut « sui generis », soit mi-étudiant, mi-employé qui présente de très sérieuses lacunes concernant à la fois les règlementations belges et européennes en matière de travail, mais pas seulement.

Premièrement, concernant la charge horaire qui en théorie culmine en moyenne à plus de 60h/semaine sous couvert du fameux opting-out, document permettant à celui qui le « désire » de travailler non pas 48h mais 60h/semaine sur une moyenne de 13 semaines avec des pics à 72h, soit quasi le double de la charge horaire normale d'autres professions.

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Travailler 100h par semaine

En réalité, l'opting-out n'est pratiquement jamais un choix, il est insidieusement imposé et le malheureux quidam qui ne s'y soumettrait pas, risque de voir son stage invalidé ou au mieux finirait de toute façon par travailler plus que les 48h réglementaires, mais sans la moindre chance d'être payé, bien entendu.

Et puis, on le sait, dans la pratique, en fonction des lieux et des périodes de stage, l'opting-out lui-même est très loin d'être respecté et il n'est pas rare que certains de mes collègues dépassent la centaine d'heures par semaine.

La très grande majorité de ces heures supplémentaires, en plus de ne pas être payées ou récupérées finissent très souvent dans les limbes administratives, puisque les falsifications d'horaires semblent être monnaie courante.

Une manque criant d'encadrement

Ensuite, l'autre problème de taille est le manque d'encadrement général des MACS.
Il n'est pas inintéressant de rappeler que l'assistant est d'abord un étudiant, son but est d'apprendre le métier dans lequel il se spécialise après avoir emmagasiné pendant 6 ou 7 ans nombre de connaissances théoriques diverses ainsi que les rudiments de la pratique clinique. Ils sont donc en théorie supposés prester sous la supervision d'un aîné.

Sauf que la plupart d'entre eux sont très vite lâchés, seuls dans la nature, avec au mieux un autre MAC à peine plus expérimenté qu'eux et qui est censé leur servir de roue de secours.

C'est d'abord vrai durant les gardes où les assistants juniors et séniors se partagent le travail et font littéralement tourner l'hôpital de nuit, les résidents étant quant à eux « appelables » sous certaines conditions (urgence chirurgicale, coronographie, …). Mais dans les faits, les journées sont, elles aussi, ponctuées par l'absence des superviseurs dont les ouailles se retrouvent seules dans des salles souvent bien remplies.

On pourrait également parler des salaires bien insuffisants compte tenu des heures prestées (moins de 8 € de l'heure), de l'absence de temps pour la formation théorique et scientifique, mais nous allons nous limiter à ces deux éléments principaux.

« De mon temps, c'était bien pire ! »

Qu'on se le dise, tous ces problèmes ne datent pas d'hier et sont bien connus de la plupart des médecins intra-hospitaliers qui souvent feignent de ne pas être au courant. D'ailleurs, certains d'entre eux ont très vite oublié la panade dans laquelle eux-mêmes se trouvaient quelques années auparavant. C'est ainsi que la victime d'hier devient le bourreau d'aujourd'hui.

« De mon temps, c'était bien pire ! », « Les assistants d'aujourd'hui sont des enfants gâtés » ou encore « les assistants se prennent pour plus important qu'ils ne le sont en réalité » sont autant de railleries que l'on peut entendre de la bouche de nombre de nos confrères dédaigneux vis-à-vis du sort de leurs jeunes collègues.

Mais est-ce bien une raison valable de fermer les yeux sur une organisation hospitalière défaillante ? Non ! Je ne suis pas certain qu'il soit pédagogique de faire connaître à ses successeurs les horreurs de la guerre que nous avons nous-mêmes vécues. En partant de ce postulat biaisé, les enfants travailleraient encore dans les charbonnages et on fumerait toujours dans les salles d'opération.  

L'importance de la solidarité

Et puis bon, est ce que c'était vraiment pire avant ? Alors oui, quand j'entends certaines histoires notamment d'étudiants amenés à réaliser des actes incroyablement risqués chez des patients, faisant tourner avec un PG un service d'urgences tout entier, je me dis que la médecine a fait du chemin, que les étudiants ou assistants d'hier en ont, eux aussi, bien bavé. Raison de plus pour être solidaire au mouvement contestataire récemment initié, non ?!

Trop, c'est trop

Cependant, je souhaite souligner que les générations actuelles sont confrontées à un fléau tout récent, la surcharge administrative ! Alors que la médecine d'hier, était une médecine orale où griffonner quelques instructions sur une feuille de papier suffisait à constituer un dossier, où la prescription se faisait par l'intermédiaire du personnel infirmier.

Aujourd'hui, le son de cloche est bien différent, car une très grosse partie du travail médical se fait désormais derrière l'écran d'un ordinateur et les impératifs administratifs et légaux ont augmenté de manière exponentielle. Le souci, c'est qu'une très large partie de ce travail extrêmement rébarbatif et redondant incombe bien souvent aux MACS. Pire encore, il est même en général prioritaire à l'apprentissage pratique et/ou théorique.

Il n'est certainement pas dans l'intérêt des « séniors » d'aujourd'hui de déconsidérer le combat de leurs jeunes confrères qui constitueront la force médicale future.  

La fuite des MACS vers d'autres franges de la médecine est manifeste et si rien n'est fait, la situation des hôpitaux risque fort de se dégrader dans les prochaines années faute d'un personnel en suffisance, ce qui est d'ailleurs attendu avec la réduction drastique du quota d'étudiants en médecine.

 

Note de la rédaction :

Une nouvelle interview du porte-parole du CIMACS est prévue cette semaine, après la Commission paritaire médecins-hôpitaux du 19 mai.

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Dr Quentin Lamelyn • MediQuality

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