Jean-Michel Mot (CIMACS) : « On m’a invité à quitter la table des négociations puisque je ne voulais pas plier »
BRUXELLES 20/05 - Le représentant des médecins spécialistes en formation francophone Jean-Michel Mot a quitté la table des négociations de la commission paritaire médecins-hôpitaux. Il a confirmé que le préavis de grève déposé en bonne et due forme pour ce jeudi 20 mai serait donc activé. Pour le syndicaliste étudiant, il faut que les politiques « disent clairement ce qu’ils veulent comme sécurité sociale, comme soins de santé, comme qualité des soins, et qu’ils prévoient un budget qui y soit adapté ».
Le patron de l'Inami Jo De Cock a bien invité le syndicaliste étudiant à revenir à la table, mais celui-ci a décliné, « ne pouvant contribuer à un accord qui entérine un recul supplémentaire des conditions de travail et contraire aux demandes justifiées des candidats spécialistes. Cet accord crée de plus une inégalité entre deux catégories de médecins candidats spécialistes, ce qui est inacceptable. Les gens devront choisir entre un équilibre raisonnable vie professionnelle-vie de famille ou conserver leur rémunération. C'est inacceptable et humiliant ».
Jean-Michel Mot a confirmé que le préavis de grève déposé en bonne et due forme pour ce jeudi 20 mai serait donc activé. « Il paraît que nous sommes des élèves en formation, que nous n'avons donc pas droit à un vrai salaire et que nous n'apportons pas une vraie plus-value de travail à l'hôpital. Eh bien, ils vont devoir faire sans nous, nous verrons bien s'ils arrivent à garder le navire à flots ».
« Notre mouvement est soutenu par de nombreux mentors, qui nous encouragent à ne pas céder, mais qui savent que la charge de travail va retomber largement sur eux, et pas sur les responsables hospitaliers qui siègent dans cette commission paritaire. Eux ne seront pas lésés. Ils ont affiché un vrai mépris pour l'opinion des assistants, qui est considérée comme marginale. On m'a donc intimé de me taire et, comme je ne m'exécutais pas, de quitter les lieux. Je n'allais pas rester comme simple spectateur de ce qui se tramait là. Rester, c'était devenir complice du texte qui s'élaborait et qui est très décevant ».
« Seulement appliquer la loi, ce n'est pas effectuer une avancée»
Ce texte contient pourtant des avancées : augmentation salariale d'environ 10%, 110% du salaire de base pour le temps de travail supplémentaire, 125% pour les gardes de nuit, 150% pour les dimanches et jours fériés, la garantie des 20 jours de congé légaux + 10 jours fériés, avec possibilité de prendre au moins 10 jours de congé ininterrompus, le respect du temps de travail…
« Il y avait des éléments, mais c'est largement insuffisant. Pour certaines de ces dispositions, il s'agit seulement d'appliquer la loi, comme la disposition sur la tension horaire des candidates enceintes. Mais d'autres dispositions pourtant inscrites dans la loi belge ne sont toujours pas transcrites dans ce texte. Et ne parlons pas du prescrit européen qui est nettement nié. C'est assez.
Il faut que les politiques disent clairement ce qu'ils veulent comme sécurité sociale, comme soins de santé, comme qualité des soins, et qu'ils prévoient un budget qui y soit adapté. Et pas qu'on nous lance le fait qu'on travaille « à enveloppe fermée » pour ces budgets. Et que l'impact du vieillissement, de l'augmentation des coûts technologiques et autres soient reportés sur le dos des candidats dans des conditions de travail qui s'apparentent à de l'exploitation.
Il n'est pas normal de demander aux candidats de signer pour des heures supplémentaires ad libitum pour conserver leur faible revenu ou de perdre de l'argent pour pouvoir vivre de manière digne, en gardant une vie de famille. Il n'est pas normal d'entériner des régimes de travail qui grimpent à 80 ou 90 heures semaine. On ne peut pratiquer de la bonne médecine, en respectant les droits du patient, les contraintes déontologiques et un minimum de sécurité en acceptant une telle charge ».
Pour le ministre Vandenbroucke, « chaque partie y a mis du sien. L'accord médico-mut prévoyait 10 millions pour les MACS. Les hôpitaux ont aussi fait un dernier effort dans la dernière ligne droite. Je me suis engagé au nom du gouvernement à dégager 20 millions supplémentaires. ». Pour le président du Comité interuniversitaire des médecins assistants candidats spécialistes (CIMACS), « je ne dis pas qu'aucune avancée n'a été tentée, mais que le résultat est très largement insatisfaisant. Il faut revenir à la table des négociations en considérant la parole des candidats spécialistes comme légitime. L'attitude des fédérations hospitalières est, de ce point de vue, totalement indigne. Nous leur coûtons trop cher. Eh bien, pour les cinq prochains jours, nous allons leur faire faire des économies. Mais nous verrons s'ils arrivent à faire tourner les hôpitaux sans ce que nous délivrons effectivement comme force de travail spécialisée ».
« Tout le monde sait et tout le monde s'en fout »
Est-ce opportun de faire grève en pleine pandémie ? « Il n'y a pas de moments sans impact. L'hôpital belge est déjà sous pression en temps ordinaire. Écoutez ce que disent les infirmières, ce que disent tous les agents de santé. Et face à cela, nous avons subi dans les dernières heures un chantage inacceptable à la grève. On a menacé les candidats de voir leur cursus interrompu, de ne plus avoir accès à l'enseignement, de voir leur stage annulé, sur le mode ‘œil pour œil'. La réalité est qu'il est temps de se remettre en question.
Certains des médecins expérimentés nous disent qu'ils ont connu pire. Depuis quand est-ce un argument valable pour accepter l'inacceptable ? Je pense que de nombreux candidats, si rien ne change, vont se réorienter vers d'autres carrières. Car on ne peut pas accepter de mettre sa vie personnelle entre parenthèses pendant des années, de subir un bizutage indigne, de ne pas recevoir un encadrement minimum et d'être livrés à nous-mêmes en pleine nuit ou le week-end, … C'est l'avenir des soins de santé qui se joue. Depuis vingt ans, on rogne de partout, on passe la râpe à fromage. Qu'en sera-t-il dans vingt ans si on continue comme cela ? Comment ferons-nous face aux prochaines pandémies si on étrangle le système des soins de santé de cette manière ». Précisons au lecteur que les médecins en grève perdent 100% de leur salaire, aucun système de caisse de grève n'existant, contrairement aux mouvements couverts par les syndicats traditionnels.
Les hôpitaux belges regrettent que, juste avant la réunion finale, le Comité interuniversitaire des médecins assistants candidats spécialistes (CIMACS) ait quitté la table des négociations. Par ailleurs, il a été convenu en Commission paritaire de poursuivre le travail entamé. A l'avenir, les MACS verront une assimilation des années d'assistanat dans le calcul de leur pension. Des incitants financiers seront également mis en place pour les disciplines en pénurie. Ensuite, la composition de la Commission paritaire nationale sera revue, en les incluant. L'amélioration et l'harmonisation de leurs conditions de travail sera poursuivie. Pour Jean-Michel Mot, « ces signes positifs viennent trop peu et trop tard, car la situation actuelle est restée bloquée depuis des décennies. Tout le monde savait et tout le monde s'en fout ».
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