Avons-nous encore le temps de réfléchir à nos actes ?
BRUXELLES 29/06 - En tant que médecins et, par extension, dans de nombreuses autres professions, avons-nous encore le temps de réfléchir à nos propres actions ?
Le temps est une denrée précieuse. Et pour reprendre un terme médical, son utilisation inefficace entraîne souvent des effets secondaires désagréables.
Avant que l'on ne s'en rende compte, on se retrouve à un stade où notre espérance de vie n'est plus que de quelques années. Avec en plus, fréquemment, des désagréments physiques et autres soucis.
Souvent, nous ne réalisons pas à quel point le temps passe vite. En particulier celles et ceux qui ont une carrière active, avec un emploi très prenant qui demande beaucoup de responsabilités et, en outre, des enfants qui requièrent beaucoup d'attention. Mais il n'y a pas qu'eux.
Les personnes plus âgées me font également remarquer à quel point le temps file. Les jeunes ont parfois du mal à l'imaginer, car ils sont bien sûr dans la force de l'âge. Les personnes âgées ont une vision plus holistique, elles peuvent tout observer avec une certaine distance.
Nous sommes, en quelque sorte, réquisitionnés par le temps. Le temps nous contraint à entrer dans une camisole de force dans laquelle nous laissons inconsciemment la vie suivre son cours. Jusqu'à ce que, un jour, l'on s'aperçoive que 10 ans ont passé comme si de rien n'était.
Le temps est également intangible, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas saisir, comme lorsque nous embrassons un être cher. Le temps est comme un fleuve qui passe, lentement, rapidement, violemment ou tranquillement, se heurtant aux rochers rugueux ou aux obstacles imprévus qu'il rencontre. Et avant que quiconque ne s'en rende compte, le temps s'est écoulé du sommet de la montagne jusqu'au fleuve, où il est englouti par l'infini de l'espace.
Les gens continuent à surfer sur les vagues de leurs habitudes, très souvent en pilote automatique, comme un avion que l'on programme pour aller du point A au point B.
L'autoréflexion, le fait de réfléchir à ce qui est vraiment essentiel dans la vie, n'a, dans un tel flux, que peu ou pas de chance de survie. Se poser des questions, s'étonner des petites choses, être chamboulé par la beauté de l'art ou de la nature, transcender les cadres de pensée bien rodés, tout cela disparaît lorsque l'on traite le temps avec trop peu de respect.
En fait, nous avons même, en partie, peur du temps. Nous remplissons à ce point notre vie d'actions et de projets que nous n'avons pas une seconde pour nous arrêter, prendre le temps d'inspirer et d'expirer. Comme si la respiration ne faisait plus partie de la vie, comme si s'arrêter était synonyme de reculer, en gardant à l'esprit l'adage omniprésent de la vision néolibérale de la vie.
Si nous voulons continuer à fournir un travail de qualité, si nous voulons donner un sens au temps qui nous est imparti par le miracle de la vie, nous n'avons pas d'autre choix que de ralentir de temps en temps, de regarder dans le rétroviseur.
Ce n'est qu'en agissant de la sorte que nous donnons au temps le respect qu'il mérite. Cela peut sembler un peu nébuleux. Pourtant, il est essentiel de ne pas gaspiller ce temps précieux avec toutes sortes d'actions insensées.
Les actes qui ont du sens, la réflexion sont des activités qui se perdent trop souvent dans le tourbillon de ce fleuve bouillonnant. Et ce qui est tragique, c'est que nous ne nous en rendons même pas compte. Nous continuons à investir en nous-mêmes, en recherchant une satisfaction rapide. Une fois que le désir de quelque chose est satisfait, un nouveau désir surgit, etc. On continue ainsi, jusqu'à ce que certaines personnes se demandent à quoi tout cela mène. Est-ce ça, la vie ? Est-ce la bonne façon d'honorer notre temps limité sur cette planète ?
Il est essentiel que nous revalorisions le concept de temps. Que nous lui redonnions le sens qu'il devrait avoir.
Le temps n'est pas un produit de consommation que nous pouvons simplement acheter, comme nous achetons un pain ou une voiture. Nous devons construire le temps de manière sensée, comme nous chérissons nos proches.
Dr Wouter Van den Abeele
Médecin généraliste
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