Dossier INAMI 2000-2022 : « Seule la médiocrité politique persiste »
BRUXELLES 28/02 - La crise du COVID-19 a permis de pointer plusieurs grandes faiblesses de notre système de soins de santé : pénuries de médecins, infirmiers, aides-soignants, conditions de travail éprouvantes, taux de burn-out élevé menant à des reconversions professionnelles et départs des hôpitaux publics.
Face à cette situation éprouvante et dénoncée de tous, on aurait pu espérer un sursaut politique pour préparer l'avenir, pour analyser les erreurs du passé et construire un système de soins de santé efficient et adapté à l'évolution de la population belge... mais il n'en sera rien tant une partie du monde politique continue de planer loin de la réalité du terrain.
En effet, nous constatons que la problématique récurrente des numéros INAMI refait surface avec, comme à chaque problématique liée à l'INAMI, son lot d'incontinences verbales de la part de certains politiques davantage intéressés par l'audience que par le fond du problème soulevé dans les médias.
Le dernier en date ? Le président du MR qui, avec peu de nuance d'analyse, appelle à durcir l'accès aux études de médecine via un concours d'entrée en réponse à des quotas INAMI fixés et non remis en question. Cette vision simpliste d'un problème complexe mérite qu'on recadre certains éléments essentiels oubliés dans ce dossier hautement communautaire.
- Tout d'abord, rappelons que les quotas INAMI fédéraux ont, certes, augmenté au cours des deux dernières décennies, mais ne tiennent toujours pas compte de divers facteurs essentiels à la planification de l'offre médicale, tels que le vieillissement de la population, l'absence de preuve scientifique du principe de la demande induite par l'offre, de la modification des pratiques médicales (maisons médicales, diminution du temps de travail, etc.), ainsi que des départs à la retraite. Ceux-ci, rappelons-le, seront largement compensés au Nord du pays dans les prochaines décennies contrairement à la Wallonie où, malgré l'absence de filtre dans les études de médecine durant de nombreuses années, le nombre de jeunes médecins formés ne sera pas suffisant pour compenser plus de la moitié des retraites (1). Les pénuries touchant la médecine générale et de nombreuses spécialités sont pourtant déjà présentes et dénoncées depuis plusieurs années par diverses sociétés scientifiques (2,3). En vain.
- Quant à l'examen d'entrée et le concours d'entrée, il convient de rappeler qu'un filtre à l'entrée est le pire système de sélection en médecine. Ainsi, diverses études démontrent que la réussite universitaire est davantage le fruit d'une adaptation à un nouvel environnement, qu'une prédisposition selon les bases scientifiques de l'étudiant obtenues dans le secondaire (4-6). La motivation intrinsèque de l'étudiant joue également un rôle crucial. Ainsi, un étudiant venant d'une école ne préparant pas très bien, a toutes ses chances de réussir, car il aura la possibilité de se remettre à niveau au cours de la première année. A l'époque où l'examen d'entrée était non contraignant, nous avions montré que la moitié des étudiants réussissant leur première année en première session avaient échoué à l'examen d'entrée, ce qui leur avait permis de prendre connaissance de leurs lacunes scientifiques et de se remettre à niveau (enquête publiée dans le journal Le Soir). A travers ses études sociologiques et son livre (4,6), le Professeur Donald Barr (USA) avait même été jusqu'à observer que les étudiants réussissant le mieux les examens d'entrée scientifique étaient les plus pauvres en aptitudes empathiques et humaines, ce qui impactait significativement la qualité des soins délivrés.
Après une crise telle que celle que nous avons connue, on aurait aimé entendre des discours politiques progressistes, modernes et transversaux prônant une meilleure organisation de l'offre de santé. Une vision qui tient compte de l'inadéquation entre les quotas INAMI et les besoins de la population, tout en dépassant les conflits communautaires d'une autre époque car, ici, il est question d'offrir à chaque Belge, qu'il soit flamand ou francophone, la même offre de soins de santé accessible et de qualité.
Avec le recul et un brin d'humour, je me dis parfois que le seul endroit où un concours d'entrée serait profitable, c'est en politique.
En faisant fi du problème fédéral (inadaptation du nombre de numéros INAMI en fonction des besoins), le président du MR et d'autres politiques me laissent penser qu'une certaine frange du monde politique préfère communiquer à tout-va, sans analyses et connaissances profondes du dossier ou de la littérature scientifique, plutôt que d'œuvrer à une solution durable et profitable à la population belge actuelle et des prochaines décennies.
Avec le recul et un brin d'humour, je me dis parfois que le seul endroit où un concours d'entrée serait profitable, c'est en politique. Dans mes rêves les plus fous, je me dis qu'un tel concours pourrait évaluer les connaissances, les compétences, et surtout les aptitudes non cognitives essentielles (empathie, intelligence émotionnelle, etc.) des politiques élus et candidats à des responsabilités qui ont un impact majeur sur la vie des citoyens belges. En effet, ne peut-on pas espérer un monde politique plus compétent qui préfère davantage œuvrer dans les dossiers que de passer son temps dans la presse à raconter beaucoup de choses peu étayées ?
A propos
Références
- Consulter un généraliste à Bruxelles devient-il plus difficile ? Denise Deliège et Etienne De Clercq
- Société de Médecine d'urgence, rapport annuel, 2008.
- BMSO, https://www.lalibre.be/belgique/2012/10/10/les-hopitaux-belges-cherchent-des-oncologues-TBORTAFORBFCFBSKN7B2YBFXC4/
- Barr DA. Science as superstition: selecting medical students. Lancet. 2010. PMID: 20879079
- Lechien JR, Kempenaers C, Dramaix M, Linkowski P. Can an early selection system accelerate the maturity of candidates of both genders in medical school? Int J Med Educ. 2017 Jan 8;8:13-15. doi: 10.5116/ijme.5856.6d72.
- Donald a Barr. Health disparities in the united states social class race ethnicity and health, 2019.
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