COVID-19: 15 % des formes graves de la maladie s’expliquent par des anomalies génétiques et immunologiques
BRUXELLES 25/09 - Pourquoi la réponse à l'infection par le virus SARS-CoV2 varie-t-elle autant d’une personne à l’autre ? Un grand consortium international a identifié les premières causes génétiques et immunologiques expliquant 15% des formes graves de Covid-19. Ces malades ont un point commun : un défaut d’activité de certaines molécules du système immunitaire ayant une puissante activité antivirale. Ces découvertes pourraient permettre d’identifier les patients à risque, d’anticiper et d’améliorer leur prise en charge et d’offrir potentiellement de nouvelles voies thérapeutiques. Les résultats de ces travaux auxquels ont participés des médecins de l’Hôpital Erasme sont publiés dans la revue Science.
Dès le début de pandémie de Covid-19, le chercheur Jean-Laurent Casanova et son équipe (basés à l'Institut Imagine, Paris, France et à Rockfeller University, NY, USA) ont mis en place le consortium international « COVID human genetic effort » dans le but d'identifier les facteurs génétiques et immunologiques pouvant expliquer la survenue de formes graves de la maladie.
Des découvertes qui expliquent 15% des formes graves
Avec l'aide de cliniciens d'hôpitaux du monde entier, dont ceux de l'Hôpital Erasme, des patients atteints de formes sévères du Covid-19 malgré l'absence de facteurs de risque connus ont été recrutés. En ciblant leurs recherches sur la voie des interférons (IFN) de type I, qui sont de puissantes molécules antivirales, les chercheurs ont mis en évidence deux nouveaux facteurs de risque :
- Des anomalies génétiques qui diminuent la production des IFN de type I (3-4% des formes graves).
- Une pathologie auto-immunitaire qui se traduit par la production d'auto-anticorps (anticorps dirigés contre des molécules du soi) bloquant l'action des IFN de type I (10-11% des formes graves).
L'ensemble de ces découvertes, publiées dans Science, expliquerait donc 15% des formes graves de Covid-19.
Une piste thérapeutique à base d'IFN de type 1
Le premier article publié ce vendredi dans Science décrit la découverte d'anomalies génétiques au niveau de 13 gènes impliqués dans la réponse immunitaire contrôlée par les IFN de type I. Plus précisément, les chercheurs ont démontré que des variants génétiques rares qui diminuent la production et/ou la réponse aux IFN de type I expliqueraient au moins 3-4% des formes sévères. D'ailleurs, des variants rares de ces mêmes gènes ont déjà été rapportés comme responsables de certaines formes sévères de grippe. Toutefois ces variants sont retrouvés ici chez des adultes qui n'avaient pas été gravement malades auparavant, notamment lors d'autres infections virales y compris la grippe. Ainsi, quel que soit leur âge, les personnes porteuses de variants pathogènes rares au niveau de ces 13 gènes seraient plus à risque de développer une forme potentiellement mortelle de grippe et/ou de Covid-19.
Il découle de cette découverte que la prise précoce d'IFN de type 1 chez ces patients pourrait être une piste thérapeutique. Ces médicaments sont disponibles depuis plus de 30 ans et n'ont pas d'effets secondaires notables s'ils sont pris pendant une courte période.
Les hommes et les plus de 65 ans plus touchés
Dans la seconde étude, les chercheurs ont trouvé des taux élevés d'auto-anticorps dirigés contre les IFN de type I dans le sang de plus de 10 % des patients développant une pneumonie grave par infection au SARS-CoV2. Ces auto-anticorps sont absents chez les personnes qui développent une forme bénigne de la maladie et sont rares dans la population générale. Leur présence neutralise les IFN de type I et les empêche d'agir contre le virus SARS-CoV2.
Sur les 101 patients présentant ces anticorps dirigés contre les IFN de type 1, 95 étaient des hommes. De plus, la fréquence des auto-anticorps semble augmenter avec l'âge. Ces données pourraient donc en partie expliquer l'incidence élevée de forme sévère chez les hommes et les plus de 65 ans. Ces personnes pourraient bénéficier de traitements pouvant réduire la production de ces anticorps.
Sources
• Inborn errors of type I IFN immunity in patients with life-threatening COVID-19
Qian Zhang et al.
Science, 24 septembre 2020
• Auto-antibodies against type I IFNs in patients with life-threatening COVID-19
Paul Bastard et al.
Science, 24 septembre 2020