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Le temps de la grève est arrivé pour les assistants qui ne doivent plus se laisser faire !

Opinion

BRUXELLES 26/04 - Comme beaucoup ont pu le découvrir dans la presse générale et spécialisée, les candidats spécialistes (Médecins Assistants Cliniciens Candidats Spécialistes, MACCS) menacent de faire grève prochainement si on ne leur donne pas de meilleures garanties sur le futur contrat intrahospitalier qui sera généralisé dans tous les hôpitaux et qui définira une partie de leurs conditions de travail.

Pour rappel, cette uniformisation du contrat était une revendication initiale du CIMACS, le syndicat francophone des MACCS, et de leur homologue flamand lorsque la santé fédérale était gérée par Maggie De Block. À la suite de cette demande, la ministre avait dépêché un groupe de travail/commission pour établir les fondements dudit contrat.

Alors que le cycle des diverses réunions touche à sa fin, la dernière proposition sur la table semble faire grand bruit auprès des candidats spécialistes, tant elle est irrespectueuse et affligeante pour ceux qui représentent la principale force de travail de nos hôpitaux. En effet, usant d'un cynisme stupéfiant, certaines fédérations hospitalières n'hésitent pas à durcir certaines conditions de travail, pourtant jugées particulièrement problématiques depuis plusieurs années.

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1. Il est tout d'abord précisé que ledit contrat n'est pas un contrat de travail standard. En cas de maladie, les candidats spécialistes n'ont pas de sécurité similaire aux autres travailleurs et une partie de leur salaire peut leur être retirée.

2. Il est par ailleurs stipulé que le salaire couvre un temps de base de 48h-60h et que les gardes, rentrant (ou qu'on tenterait de faire rentrer) dans le temps de base, ne seront plus rémunérées sauf si le candidat spécialiste signe l'opting out, l'avenant permettant d'augmenter son temps de travail. Dans un contexte où de nombreux candidats spécialistes subissent des pressions pour déclarer un nombre d'heures inférieur au nombre réellement presté, cette proposition relève de la psychose.  

3. La demande initiale du CIMACS de bénéficier de contrôles fréquents du respect du temps de travail des candidats spécialistes n'a pas été retenue. Nous sommes en droit de nous demander « pourquoi ».

4. Le temps de travail scientifique, défini comme un minimum de 4h/semaine ne sera plus considéré comme un minimum, mais bien comme un maximum de 4h.

5. Enfin, d'autres clauses de ce type se trouvent dans le contrat et, en cas de non-respect desdites clauses, le service de stage/l'hôpital se réserve le droit d'avertir l'agrément, lequel reste, pour chaque candidat spécialiste, le passeport de son indépendance. Inutile de préciser que ce genre de pratiques moyenâgeuses relèvent purement et simplement de l'intimidation.

Si la création de cette commission par Maggie De Block était un signal extrêmement positif, le comportement de certaines fédérations hospitalières s'apparente à celui d'un négrier, qui continue d'exploiter cette main-d'œuvre taillable et corvéable à merci que représente le jeune médecin en formation pour rentabiliser l'hôpital au prix de la santé physique et mentale de ces petits travailleurs qui n'ont pas droit au chapitre.

Comment peut-on encore avoir l'audace, en 2021, de proposer un tel contrat ? Comment peut-on croire que les candidats spécialistes accepteront de telles conditions sans broncher ?

Les demandes des candidats spécialistes sont pourtant rationnelles, légitimes, humaines et importantes pour la qualité des soins de santé qui sont dispensés dans nos structures hospitalières.

Depuis plusieurs années, le ras-le-bol des candidats spécialistes grandit, eux qui, rappelons-le, ne demandent pas forcément de travailler moins, mais de travailler mieux, dans de meilleures conditions permettant un double objectif : celui de s'épanouir personnellement dans le plus beau des métiers, et surtout celui de dispenser des soins de santé de qualité à une population qui risque d'être de plus en plus précarisée vu la récente crise sanitaire.

Depuis plusieurs années, ces demandes se confrontent aux vécus de certains médecins plus âgés qui, jadis, ont été maltraités et ont tendance à reproduire une maltraitance qui ne devrait plus exister. À ces médecins, il convient de rappeler que la société évolue, les pratiques également, le stress/l'exigence des patients se renforcent d'année en année, ainsi que la pression mise sur le monde hospitalier pour rentabiliser et faire plus, avec moins de moyens.

Les demandes des candidats spécialistes ne sont pas incompatibles avec les attentes de ces médecins plus âgés. Bien au contraire, un soutien indéfectible de leur part ne pourrait que renforcer l'unité du corps médical soignant qui devra dans les prochaines années se battre main dans la main pour sauvegarder le peu qui reste de notre système de soins de santé.

Les candidats spécialistes représentent l'avenir de notre système de soins de santé et actuellement, beaucoup sont usés avant même de commencer leur carrière de médecin. Les conséquences de ces conditions de travail déplorables sont multiples : augmentation du taux de burn out, des suicides, de la consommation d'alcool, parfois de stupéfiants, arrêt de l'assistanat après quelques années/mois, et in fine diminution de l'offre médicale et de la qualité des soins administrés aux patients.

Combien d'entre nous, anciens candidats spécialistes, ont décidé après la formation de quitter l'hôpital public pour travailler à mi-temps dans le privé et pour, entre autres, ne plus jamais vivre les conditions de travail inhumaines imposées durant notre formation ?

Des conditions qui, rappelons-le, mettent l'humain de côté au profit de la rentabilité. Même si ce phénomène de fuite de l'hôpital public et de ces conditions de travail, ainsi que cette tendance à ne plus faire de carrière temps plein, n'ont, à ma connaissance, pas été démontrés dans de récentes études belges, je pense qu'il est malheureusement bien réel.

Est-ce vraiment cette vision de la médecine que nous voulons en Belgique ? Ne devrions-nous pas assurer une formation de qualité, épanouissante et respectueuse de nos candidats spécialistes et les inciter à embrasser une carrière temps plein où ils s'épanouiront en dispensant des soins de qualité ? Si respecter le temps de travail implique le besoin de plus de médecins, alors revoyons les politiques de numerus clausus qui, par les pénuries programmées et installées, impactent négativement les conditions de travail des candidats spécialistes.

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Il est grand temps de reconsidérer le traitement que nous donnons aux candidats spécialistes, et les fédérations hospitalières qui ont proposé ce simulacre de contrat, cette farce, doivent impérativement revoir leur copie. En attendant, je ne peux qu'encourager les candidats spécialistes à faire valoir leurs droits, celui d'une rémunération adéquate des gardes, de la possibilité de faire un minimum de scientifique par semaine, de disposer des mêmes droits que les travailleurs (chômage, etc.), d'imposer un contrôle strict et régulier du respect desdits droits par l'administration et l'État de droit dans lequel nous vivons, et surtout celui d'un temps et des conditions de travail humainement acceptables, épanouissantes où nos patients seront confrontés à des médecins heureux, souriants et reposés.

Il est fort probable que pour obtenir satisfaction, les candidats spécialistes devront passer par une grève généralisée et à durée indéterminée comme il en est question maintenant. En attendant, nous pourrions, nous, médecins accrédités, nous souvenir de ce que nous avons vécu quand nous étions à leur place, et les soutenir quelles que soient les retombées sur notre travail au cours des prochaines semaines.

N'oublions pas qu'à travers le respect des droits des jeunes médecins, nous respectons également le droit des patients de bénéficier d'une prise en charge humaine et de qualité. N'est-ce pas, après tout, ce à quoi nous nous sommes tous engagés lorsque nous avons prêté serment ?

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Mise à jour : 

Une grève d'une heure a été annoncée pour ce jeudi 29 avril de 14h à 15h. Plus d'infos via ce lien.

A propos de l'auteur

Jerome R. Lechien, M.D., Ph.D., M.S.
Otolaryngology-Head & Neck Surgery
Foch Hospital, Paris Saclay University, France
University Hospital of Brussels (CHU Saint-Pierre), ULB
Professor of Otolaryngology, Anatomy & Physiology
Science Langage Department, Anatomy Department
University of Mons, Belgium
 

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Dr Jérôme Lechien • MediQuality

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