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L’hôpital de demain est un maillon de la chaine des soins de santé

BRUXELLES 06/04 - La semaine dernière avait lieu les journées d’architecture en santé à Tour & Taxis. L’occasion de faire le point sur les grands défis de l’hôpital de demain en terme architectural et d’avoir la vision de directeurs d’hôpitaux.

L'hôpital de demain est intégré dans la santé de demain, introduit lors de sa présentation sur la vision des directeurs d'hôpitaux, Gilbert Bejjani, administrateur exécutif ABDH1 et directeur clinique de la Basilique. « L'hôpital fait partie d'un maillon de la chaine et va devoir s'intégrer dans le système de soins de santé. Un système où l'hôpital doit pouvoir collaborer avec la première ligne et les activités en aval. Il y a toute une stratégie nouvelle devant laquelle se dessine l'hôpital du futur. »
 
Le bon soin au bon endroit
 
 « On ne conçoit plus un nouvel hôpital sans imaginer les collaborations qu'on va tisser avec l'hôpital d'à côté, avec les activités de soins primaires ou les activités en aval », explique dans une autre présentation sur les enjeux de l'évolution des établissement de santé, Francis de Drée, président de Hopsitals.be et Directeur général adjoint  HUB :  « La médecine intégrative est en lien avec les médecines d'amont et d'aval, elle est au cœur du développement des hôpitaux. On ne peut plus imaginer l'hôpital isolément. Et globalement, le réseau hospitalier en Belgique représente la moitié du budget des soins de santé, donc quand on imagine développer de nouveaux concepts ou de nouveaux services dans le monde de la santé, il faut mettre l'hôpital à bord et inversement. »
 
Par ailleurs, offrir la meilleure qualité au moindre coût pour le patient, est toujours un des objectifs à atteindre. « Il faut développer un business case qui tient compte des moyens financiers », poursuit Gilbert Bejjani. « L'hôpital de demain doit faire en fonction d'un nouveau financement qui ne permettra plus de faire tout dans le même type de bâtiment. Il y aura l'hôpital avec des pathologies plus lourdes et des hôpitaux typiquement pour des pathologies plus courantes qui offriront de séjours très courts. Les patients pourront poursuivre en réhabilitation dans des bâtiments avec des séjours que l'on appelle de type alternatif 2 :  à savoir des bâtiments avec une surveillance médicale d'un moindre coût en termes d'infrastructure et de ressources humaines. » 
 
De ce fait, quand on pense au « valued base 3», poursuit-il, « et c'est ce que l'INAMI nous répète, c'est « le bon soin au bon endroit ». Mais l'hôpital, c'est aussi l'endroit où l'on va pouvoir développer l'innovation, faire de la recherche et de l'enseignement », ajoute-t-il.
 
L'urbanisme de l'hôpital de demain
 
« Si les dimensions de soins intégrés ou encore de digitalisation peuvent paraitre un peu éloignées du monde de l'architecture, tout ce qui concerne la façon de travailler, la façon dont on imagine les flux et dont on imagine les processus qui sont influencés de façon critique par cette digitalisation, doivent être intégrés dans la logique d'architecture et d'urbanisme de l'hôpital », précise Francis de Drée. 
 
La dimension de digitalisation et partage des données
 
Concernant les données des patients, « l'hôpital va devoir s'inscrire, dans une certaine médecine intégrée transmurale, avec un échange des données avec la première ligne », assure le Dr Bejjani. « Il va falloir partager ces données avec les autres prestataires de soins, mais aussi avec les patients, qui ont droit à leur portail également. Ce sont donc des réflexions qu'il faut avoir dès aujourd'hui parce que le patient va exiger de plus en plus une personnalisation. » 
 
La dimension d'agilité
 
« L'hôpital doit être agile », ajoute Gilbert Bejjani. « Une adaptation sera nécessaire. Il va falloir repenser les circuits pour qu'ils soient plus rapides : un circuit très spécifique avec des couloirs plus grands, des chambres plus petites et plus de places en salle de réveil. Par ailleurs, il n'y a pas que les données médicales qui permettent de prendre des décisions cliniques. Ce sont toutes les données sur tous les flux logistiques de l'hôpital ajoutées aux données des patients qui permettent de prendre des décisions beaucoup plus rapides qu'auparavant. C'est une forme d'agilité data » ; explique-t-il. 
Il reprend alors en exemple la période de la crise Covid : « On n'avait pas toutes ces données de façon automatique à ce moment-là et on a répété énormément de choses de façon manuelle sur le fichier Excel. Il va falloir faire preuve d'une certaine flexibilité dans l''infrastructure que nous avons, mais aussi dans les données disponibles pour les prises de décision », poursuit-il.
 
Dès lors, de grandes questions se posent, constate François Burhin, administrateur exécutif ABDH et DG du centre hospitalier Epicura, qui présentait avec le Dr Bejjani la vision des directeurs d'hôpitaux : « L'hôpital de jour devient un hôpital de gestion des flux et il reste peu de place pour l'investissement de la relation avec le patient puisque l'essentiel est technique. » La question est comment y remédier ? se demande-t-il.
 
Le souhait du personnel
 
 Une autre évolution importante selon le DG d'Epicura est celle des souhaits du personnel. « On voit que les aspirations du personnel soignant sont très différentes du personnel que l'on a connu antérieurement. Les médecins ne veulent plus travailler 60 heures par semaine, cela ne les intéresse plus. Les médecins en formation dans mon hôpital par exemple, ils pointent ! Personne n'aurait imaginé cela il y a quelques années », constate-t-il. « Cela change complètement les capacités au niveau de l'organisation et de la production et oblige à se renouveler en termes d'organisation ainsi que de rééquilibrage des moyens de productions. »
 
« Par ailleurs », poursuit-il, « comment au départ d'un projet conçu il y a une dizaine d'années, peut-on s'assurer que tous les publics de l'hôpital, aussi bien les membres du personnel que les patients, puissent y adhérer ? En dix ans, une ou deux générations de responsables se sont succédé, avec parfois une logique différente amenant des questions comme « pourquoi dans un service ceci a été conçu avec un tel prédécesseur ? » Ou « ceci est l'idée qu'il ou elle avait de ta discipline. » On va devoir marier ces exigences qui ont été à la base de la construction avec la réalité de l'hôpital d'aujourd'hui et de demain », observe-t-il.
 
L'expérience patient
 
Si les patients sont de manière significative beaucoup plus satisfaits aujourd'hui selon des enquêtes menées, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de patients à satisfaire. Certains connaissaient l'hôpital avant et ne le reconnaissent plus aujourd'hui, par exemple. « L'accompagnement des patients est important », insiste-t-il. « On représente un nouvel hôpital, il est forcément mieux que l'ancien mais nécessite un travail pédagogique et éducatif, d'accompagnement du patient. » 
 
Une autre question qui se pose est l'organisation du travail, ajoute le Dr Bejjani. « Il faut trouver une nouvelle manière de fonctionner », pense-t-il. « On parle beaucoup de l'intégration des outils électroniques et digitaux dans la médecine pour pouvoir parler aux patients à domicile. Cela nécessite aussi une organisation interne pour pouvoir suivre les données. »
 
 
La dimension du financement
 
A ce sujet, Francis Burhin explique qu'« il faut donner des gages de respect aux financiers pour poursuivre le projet et ce n'est pas toujours facile de s'en tenir à sa trajectoire financière.  Bien malin celui qui pouvait prévoir en 2019 qu'il y aurait la Covid en 2020 qui a bouleversé considérablement les activités des hôpitaux, et leur financement. Même avec les mesures compensatoires et les accompagnements cela demeure un choc », reconnait-il.  « Un certain nombre de banquiers qui sont les banquiers traditionnels du secteur hospitalier sont même devenus un peu plus frileux par rapport au projet et demandent des garanties. D'où l'importance de restituer la confiance et un dimensionnement de projet qui correspond aux capacités de remboursement », conclut-il.
 
Le contexte général à la sauce belge 
 
Le directeur général d'Epicura précise au public de tous horizons dans la salle qu'autour des questions qui se posent sur les infrastructures, le contexte général des institutions belges complexifie la donne. Il y a plusieurs complexités institutionnelles, rappelle-t-il. A titre d'exemple, il donne le financement des soins de santé qui est une compétence fédérale et la matière relative aux infrastructures qui est communautaire et régionale, entre lesquelles il n'y a pas nécessairement une bonne coopération. 
 
« En outre, un certain nombre de réformes sont en cours. Elles sont à l'œuvre depuis de nombreuses années et n'on pas nécessairement abouti. La mise en place des réseaux hospitaliers également, qui a évidemment une incidence importante sur la programmation et sur la concentration des futures infrastructures, quant à elle a commencé en 2015 mais n'a pas encore abouti non plus. » 
 
 « Au niveau de l'échelonnement des prises en charge également, depuis de très nombreuses années, la hiérarchisation des soins et la mise en place des soins intégrés est en cours mais n'a toujours pas été concrétisée », poursuit François Burhin.
 
De plus, « d'autres éléments relatifs au financement interviennent tels que la forfaitarisation ou encore la révision de la nomenclature qui entravent le bon déroulement de la réalisation des projets hospitaliers. »
 
« La régionalisation du financement, explique peut-être une partie du trou des investissements, observe-t-il. « Il n'y a pas eu de subvention pendant toute une période et il était difficile d'investir.  Le système belge est un système où la couverture des investissements hospitaliers est partiellement faite par les subsides gouvernementaux et une partie est faite par des fonds propres donc le risque est pris par l'opérateur. »
 
 
Le défi de la durabilité
 
Le développement durable représente un des autres grands défis avenirs  des hôpitaux. « C'est un défi qui s'invite tardivement à la table des réflexions hospitalières », reconnait Francis de Drée.  « Tardivement parce que même si certains ont été précurseurs sur le sujet, globalement, le secteur s'est montré peu actif à ce sujet. Le secteur hospitalier a été beaucoup moins actif que d'autres secteurs dans la question de la durabilité, alors que les constats sont extrêmement alarmants. »
 
« On voit qu'en termes de secteurs économiques, le secteur des hôpitaux est le deuxième secteur consommateur d'énergie en Belgique », explique le directeur adjoint du HUB. En termes de gestion de déchets, rien qu'en Wallonie, 40 000 tonnes de déchets hospitaliers sont incinérés chaque année, informe Santhéa. Et si vous prenez les émissions de CO2 au niveau national, c'est de l'ordre de 5 % d'émission », poursuit Francis de Drée. 
 
« On ne peut certainement pas dire que l'impact énergétique de l'hôpital est anodin et couplée à ce constat alarmant, le contexte législatif va nous forcer à bouger beaucoup plus vite qu'aujourd'hui puisque la Commission européenne vient de voter un texte où tout bâtiment, a fortiori public et collectif, devra être à zéro émission à partir de 2028 », poursuit-il. 
Cela va passer par plein de mesures qui sont déjà identifiées telles que la gestion des ressources naturelles comme l'ensoleillement pour une série d'hôpitaux ou encore l'emploi du système passif en termes de ventilation et l'utilisation de matériaux locaux de toutes les pistes », détaille-t-il. « La question pour les hôpitaux de demain est de savoir comment dans des projets déjà relativement contraints au niveau budgétaire, on va pouvoir intégrer cette dynamique de durabilité ? », se demande Francis de Drée.
 
 
1. ABDH : association belge des directeurs d'hôpitaux
2. En exemple d'un hôpital à Singapour visité dans le cadre des rencontres organisées avec l'ABDH
 

Carole Stavart • Mediquality

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