Dossiers  >   Gestion hospitalière  >  Comment la méditation impacte le cerveau ( Pr Steven Laureys)

Comment la méditation impacte le cerveau ( Pr Steven Laureys)

LIEGE 03/08 - Le Pr Steven Laureys (ULiège) (1) neurologue et directeur de recherche au FNRS a étudié de brillants cerveaux de sportifs, astronautes, musiciens ou encore d’entrepreneurs. Avec son équipe, il mène depuis une vingtaine d’années des recherches sur les états de conscience. Dans son livre « La méditation c’est bon pour le cerveau » (2) qu’il a présenté notamment lors d’une conférence des amis de l’ULiège, il explique comment la méditation peut modifier le cerveau, en prenant en exemple celui de Matthieu Ricard, moine bouddhiste.

©Michel Houet
©Michel Houet
Pour le Pr Laureys, la rencontre avec la méditation s'est déclenchée le 17 août 2012 quand « son univers s'est écroulé de manière tout à fait inattendue, et que toutes les connaissances qu'il avait acquises en tant que médecin et homme de sciences ne pouvaient plus l'aider », explique-t-il dans son livre.
 
C'est lors d'une de ses conférences Ted sur la conscience qu'il croise Matthieu Ricard, moine bouddhiste, mais aussi traducteur du Daïla lama, doctorant de l'institut Pasteur et fils d'un grand philosophe, présentant une conférence sur la méditation. « C'est ainsi que j'ai accepté son invitation de partir avec lui en retraite pour méditer et à mon tour je l'ai invité à se soumettre à mes tests aux IRMf et PET scan au CHU de Liège », explique-t-il.
 
Zoom sur le cerveau de Matthieu Ricard
Le Pr Steven Laureys et son équipe se posaient à l'époque deux grandes questions :  Quel est l'effet d'une longue pratique de méditation sur le cerveau ?  Et comment le cerveau change-t-il lors de différents types de méditations ?
 
La méditation est une forme de gymnastique mentale. C'est un ensemble d'exercices d'attention qui modifie le cerveau. Il suffit de se plonger dans la boîte crânienne de Matthieu Ricard pour s'en apercevoir, affirme le neurologue.
 
« Sur son IRMf, on peut voir les zones qui ont montré des changements extraordinaires, tant au niveau de leur fonctionnement que de leur structure : au niveau de l'hippocampe (déterminant pour la mémoire et les émotions) , du cortex insulaire ( important pour la flexibilité cognitive, la perception et le contrôle de signaux et de stimuli internes y compris la douleur), du cortex singulaire extérieur ( décisif au niveau du contrôle de l'attention) et du cortex cérébral préfrontal ( fondamental dans la prise de décision). Lors de ces tests, ils ont pu voir comment la méditation changeait vraiment la structure et le fonctionnement du cerveau.
 
Quand on vieillit, la matière grise diminue. Mais chez le septuagénaire expert en méditation, le volume de matière grise n'a pas fortement diminué. « Sa matière grise a 10 à 15 ans de moins que son âge réel au niveau neurologique », soutient le chercheur.
 
Le fait de méditer représente un réel impact sur la neuroplasticité. D'autres études démontrent d'ailleurs des effets visibles après huit semaines chez des pratiquants débutants, chez qui le volume de la matière grise a augmenté. 
 
Un réseau comme sur une autoroute
Mais la méditation ce n'est pas seulement être moins stressé, mieux dormir et stimuler sa créativité. C'est aussi travailler son empathie et sa compassion. Il existe d'ailleurs plusieurs formes de méditations dont celle de la compassion que Matthieu Ricard pratique assidûment.
 
« Avec ces qualités-là, le cortex préfrontal et ses connexions vont être plus développées. D'ailleurs, avec la méditation, les connexions entre les deux parties du cerveau vont se créer : le corps calleux va connecter les deux hémisphères et il y aura plus de voies « comme sur une autoroute » chez les personnes qui méditent. »  
 
Un impact au niveau génétique
La méditation peux ralentir le processus de vieillissement, poursuit Steven Laureys.
Après l'âge de 45 ans, la matière grise se réduit. Et l'équipe scientifique a une explication plausible sur le fait que la méditation puisse être efficace afin d'améliorer la santé mentale. « Une explication qui se trouve au niveau moléculaire et au niveau de l'ADN », explique le neurologue.
 
 Il a été démontré que les séances de méditation pouvaient influencer nos chromosomes, et plus précisément les télomères, qui sont les extrémités des chromosomes. « Dans les chromosomes, les télomères rétrécissent en vieillissant et le stress chronique accentue ce processus de vieillissement.  Plusieurs études ont montré que la méditation pouvait modifier ce phénomène », précise-t-il.
« Chez les personnes qui méditent beaucoup, les télomères sont plus grands et offrent une meilleure protection des cellules et une plus grande chance de longévité. Nous pensons également que l'expression des gènes impliqués dans les réactions inflammatoires et les maladies liées au stress peut être influencée positivement par la méditation. » 
 
La méditation, complémentaire à la médecine
La méditation ne remplace pas la médecine, insiste le neurologue. Mais une vie saine avec une bonne activité physique, un sommeil bienfaisant et une alimentation saine, combinée avec des exercices corps- esprit tels que le yoga, la méditation ou la sophrologie peuvent nous aider à avoir une longue vie de qualité.
 
« En outre, l'effet de la méditation, et cela a été vérifié dans des études cliniques contrôlées, peut être aussi grand que l'effet des médicaments antidépresseurs, anxiolytiques et antidouleurs », ajoute-t-il. « En tant que médecin, j'ai appris à faire des prescriptions de médicaments et des interventions. Mais ce n'est pas une intervention pharmacologique qui donnera la solution au bonheur. »
 
Le neurologue se souvient qu'au cours de sa longue formation, jamais il n'a été question de méditation, ni de pleine conscience, dans l'un de ses cours. Quant à l'industrie pharmaceutique, elle non plus n'est pas pressée de mettre la méditation à l'ordre du jour, ajoute-t-il.
 
« Et lorsque je participe à des congrès internationaux de neurologie ou de psychiatrie, la méditation figure rarement au programme. Hélas, force est de constater que l'argent et l'appât du gain semblent décider des sujets d'études et des thèmes aborder par les médecins et les scientifiques. »
 
Même si la méditation ne peut pas tout guérir, elle peut atténuer la douleur chronique et la souffrance émotionnelle qui en découle, soutient-il. « Il y a cependant encore beaucoup de choses à apprendre sur les processus neurobiologiques exacts et sur l'utilisation de la méditation dans un contexte thérapeutique quand il s'agit d'aider les patients atteints d'insomnie, de douleurs chroniques, d'anxiété, de dépression ou d'autres problèmes psychiques et physiques en compléments des traitements médicaux classiques », précise-t-il. « J'espère seulement vous convaincre que la méditation et l'amélioration de nos habitudes de vie peut être complémentaire de la médecine dite classique», ajoute-t-il. 
 
Il faut cependant rester prudent et ne pas croire tout ce que l'on dit sur la méditation et la pleine conscience, insiste le chercheur. « Car les médias populaires adorent les effets de modes liés à la santé et les entreprises et spécialistes en marketing rusés s'empressent d'exploiter la crédulité des gens », précise-t-il également.
 
 « Je crois en une médecine complémentaire, intégrative qui donne la possibilité voire la responsabilité au patient de changer ses habitudes de vie et un complément avec tout ce qu'on connait en médecine hyperspécialisée et technologies de pointe.»
 
1. Steven Laureys est neurologue, conférencier et directeur recherche FNRS. Il dirige le Centre du cerveau au CHU de Liège et l'unité de recherche GIGA Consciousness et Coma Science Group de l'Université de Liège. Il est actuellement professeur invité au centre CERVO, Canada, et est également connu pour ses travaux sur la conscience des patients cérébrolésés, et a notamment publié «  Un si brillant cerveau » et « Cerveaugraphie : comprendre le cerveau en 100 dessins ».
2. « La méditation, c'est bon pour le cerveau », « Méditer avec le Dr Steven Laureys » et « Le sommeil, c'est bon pour le cerveau », chez Odile Jacob.
 

Carole Stavart • Mediquality

Pour des raisons de sécurité, votre navigateur n'est pas compatible avec notre site

Nous vous conseillons l'utilisation d'un des navigateurs suivants: